France: débat autour de l’interruption médicale de grossesse


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France: débat autour de l’interruption médicale de grossesse
Par Christophe Herinckx
Journaliste de CathoBel
Publié le
4 min

Le 1er août, les députés français ont adopté un projet de loi révisant les matières bioéthiques. Le Sénat doit maintenant se prononcer sur ce texte, qui prévoit notamment un élargissement des conditions pour une PMA. Autre sujet : La détresse psycho-sociale pourrait bientôt être inscrite dans la loi comme un motif pour la pratique des interruptions médicales de grossesse (IMG). Ce critère, large dans son interprétation, suscite des craintes.

En Belgique, la détresse psycho-sociale comme motif n'a pas été retenu dans le projet de loi - toujours en débat actuellement - élargissant la possibilité de l'avortement. En France, par contre, ce sujet sensible sensible s'est imposé : le 1er août dernier, les députés ont voté un amendement sur les interruptions médicales de grossesse (IMG) lors de l’adoption en deuxième lecture du projet de la loi de bioéthique. Il prévoit que la détresse psycho-sociale peut constituer un motif d’IMG.

Dans la loi actuellement en vigueur en France, les IMG sont très encadrées. Deux causes sont énoncées : « L’enfant à naître est atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic ou la grossesse met en péril la santé de la femme. » L’opération peut alors être pratiquée sans restriction de délais, jusqu’au dernier jour de la grossesse, contrairement aux interruptions volontaires de grossesse (IVG) autorisées, elles, jusqu’à la fin de la 12e semaine.

L’amendement voté modifie la notion de "péril" pour la santé de la femme. «L’inscription de la détresse psycho-sociale comme motif d’une IMG est seulement une reconnaissance juridique et législative de pratiques médicales qui existent déjà», assure Marie-Pierre Rixain, députée LREM de l’Essonne et l’un de ses auteurs.

1% des interruptions médicales de grossese sans malformation du foetus

Aujourd’hui, les interruptions médicales pour "causes maternelles" représentent seulement 1 % des actes . «C’est absolument exceptionnel. Une IMG sans malformation du fœtus, on en pratique seulement quelques-unes par an», détaille le professeur Alexandra Benachi, cheffe du service de gynécologie obstétrique à l’hôpital Antoine-Béclère (Hauts-de-Seine).

Les gynécologues-obstétriciens qui pratiquent ces IMG se trouvent confrontés à des situations dramatiques. « Ce sont des femmes migrantes qui ont été violées, une enfant de 11 ans enceinte du grand frère de sa copine, des victimes d’inceste », indique Israël Nisand, chef du département de gynécologie obstétrique au CHU de Strasbourg et président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). « Chaque cas est différent. »

C’est pourquoi, selon ce médecin, il est crucial que la loi ne définisse pas davantage la notion de détresse psycho-sociale. « C’est ce qui permet aux soignants d’apprécier la gravité de chaque situation et sa “non-réparabilité” », dit-il.

« Qui peut juger de la détresse d’une femme ? »

Mais pour l’association Alliance vita, c’est tout le problème. « Le critère de détresse psycho-sociale est invérifiable. Qui peut juger de la détresse d’une femme ? », s’interroge Tugdual Derville, son délégué général. « C’est une réalité tellement intime et subjective. L’expression d’une émotion ne peut valoir le droit de supprimer un enfant à naître. »

Les médecins n’ont pas le droit de « proposer » une IMG à une patiente. Mais ils sont tenus d’informer la femme seule ou le couple du diagnostic et des suites possibles. Ensuite toutes les demandes d’IMG sont analysées par une équipe pluridisciplinaire, avec un psychologue, une assistance sociale. Chaque dossier est débattu. « L’équipe qui prend la décision d’accepter une demande d’IMG, pratique aussi l’acte », explique le professeur Nisand.

La crainte d’une augmentation des demandes

L’ajout dans la loi ne devrait pas entraver la liberté de décision des soignants. Gilles Grangé, gynécologue obstétricien à la maternité Port-Royal, craint cependant que le critère de détresse psycho-sociale ne fasse augmenter le nombre de demandes. « On risque de voir des patientes réclamer le droit à l’avortement quel que soit le terme et si on s’oppose, on va être traités de réactionnaires. »

Des alternatives à l’IMG peuvent être présentées à la femme. « Nous proposons toujours en premier un accouchement sous X ou une adoption, assure Alexandra Benachi. Mais parfois, c’est tout simplement impossible, la souffrance de la femme est telle qu’elle ne peut pas mener à terme sa grossesse. Et en obstétrique, c’est la vie de la femme qui prime. »

Le traumatisme lié à une interruption médicale de grossesse est immense et le processus de deuil difficile, rappellent cependant les médecins.

Source: Laureline Dubuy, La Croix

Catégorie : International

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