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Connue pour avoir créé le comité de la Jupe en 2008 et pour sa prise de paroles en faveur d'une meilleure reconnaissance du rôle des femmes dans l'Eglise catholique, Anne Soupa jette un pavé dans la mare en se portant candidate à la succession de Barbarin à la tête de l'archevêché de Lyon. " Tout m’autorise à candidater, et pourtant tout me l’interdit. C’est donc un geste fou, mais le plus fou, c’est que cela paraisse fou alors que cela ne l’est pas."
Dans le communiqué de presse envoyé par la théologienne pour expliquer ce geste, elle dresse le constat d'une Eglise dominée par la gent masculine et qui peine à intégrer les femmes dans les organes de décision. Pour Anne Soupa, il est tout simplement contraire au message de Jésus-Christ de continuer à exclure la moitié de l’humanité de son fonctionnement, une attitude qui porte tort à l’Église, ainsi maintenue dans un entre soi propice aux abus, dénonce-t-elle sans détours.
Dire "non"
"Ni une inconnue, ni une apparatchik de couloir", Anne Soupa estime avoir la légitimité pour postuler, ayant agi pour le bien de l'Église depuis plus de 35 ans, sur le terrain, comme bibliste, théologienne, journaliste, écrivain. Mais aussi comme présidente pendant huit ans de la Conférence des baptisé-e-s et, depuis 2009, comme présidente du Comité de la jupe. "Tout m’autorise à me dire capable de candidater au titre d’évêque, tout me rend légitime. Or, tout me l’interdit." dénonce-t-elle encore.
Le droit canon, n'autorise que les hommes à devenir prêtres et seuls les prêtres, en devenant évêques, dirigent l’Église catholique, poursuit la théologienne. "Considérant que dire « non » à cette interdiction m’est un devoir, à la fois pour cette Église que j’aime et pour l’ensemble des catholiques dont je suis la sœur, [...] J’ose donc me porter candidate pour occuper une charge de gouvernement dans l’Église catholique".
Prêtrise et gouvernance
Anne Soupa argumente en rappelant que le pape François a demandé aux théologiens de mieux distinguer prêtrise et gouvernance afin de faire une place pour les femmes. Or, "Je constate que rien n’a été fait en ce sens depuis sept ans". N’y aurait-il que ma candidature à répondre à l’appel du pape ? s'interroge-t-elle.
Pour la théologienne, gouverner un diocèse ne requiert d’être prêtre que parce que le droit canon en a décidé ainsi. Mais la fonction d’évêque existait bien avant le droit canon ! Bibliste, Anne Soupa souligne que les Douze compagnons de Jésus n’étaient pas prêtres, Pierre était même marié. Aussi, depuis la plus haute antiquité, l’évêque (l’« épiscope ») est un surveillant, un protecteur qui observe et veille sur la cohésion et la rectitude doctrinale d’un ensemble de communautés. "En quoi un laïc ne pourrait-il pas assurer cette fonction ?"
En finir avec le cléricalisme !
Pourquoi se porter candidate à Lyon ? Pour mettre un terme à quatre épiscopats successifs, défaillants, ayant échoué dans leur mission de protéger leurs communautés. "Les bergers ont laissé les loups entrer dans la bergerie et les prédateurs s’en sont pris aux petits". Et pourquoi maintenant? "Parce que l’Église catholique continue à nourrir un cléricalisme pourtant dénoncé par le pape : abus en tous genres, sacralisation du prêtre, esprit de division … "
Anne Soupa ajoute enfin que cette candidature est portée par ses proches. Une démarche, qu'elles espère "utile pour toutes les femmes qui, aujourd’hui, sont assignées et bridées dans leur désir de responsabilités".
La théologienne termine donc en appelant d'autres femmes à "candidater partout où elles se sentent appelées, que ce soit à devenir évêque ou à toute autre responsabilité qui leur est aujourd’hui interdite".
Le diocèse de Lyon travaille à la promotion de la femme
Selon nos confrères de Cath.ch, le diocèse de Lyon, interrogé par le quotidien catholique français La Croix, souligne que la nomination du prochain archevêque de Lyon ne dépend que du pape. Mais il reconnaît le caractère symbolique de cet acte qui met l’accent sur la place des femmes dans l'Eglise. Le diocèse assure travailler dans cette direction et indique que la fonction d’économe diocésain, - "numéro deux du diocèse" - est occupée depuis novembre 2018 par une femme, Véronique Bouscayrol.
Anne Soupa - BIO EXPRESS
Né en 1947, à Paris, Anne Soupa est diplômée de l'Institut d’Études Politiques de Paris. Elle obtient également quelques années plus tard une maîtrise de Droit privé à la faculté de Nanterre.De 1982 à 1986, elle poursuit à Lyon une formation à l’Institut de pastorale et d’Études religieuses, puis une licence et maîtrise de théologie à l’Institut catholique de Lyon. Animatrice de groupes bibliques à Limoge, Anne Soupa reçoit une habilitation doctorale en théologie à l’Institut catholique de Paris. Dans les années 1990, elle est journaliste à "Grain de Soleil" (Bayard) et au "Monde de la Bible". Elle fut également rédactrice en chef de "Biblia" et "Biblia magazine". En décembre 2008, elle crée le comité de la Jupe et, l'année suivante, la Conférence catholique des baptisés-es francophones (CCBF). Mariée avec Philippe Soupa, ils ont quatre enfants et huit petits-enfants. Le dernier ouvrage d'Anne Soupa est sorti en 2019 avec pour titre "Consoler les catholiques" (chez Salvator).
(Re)lisez notre article "Anne Soupa: Le nouveau combat des femmes, la visibilité"
S.D.