A l’abbaye trappistine de Brialmont, dans le diocèse de Liège, la vie semble continuer normalement. Mais la situation en dehors des murs du monastère touche aussi les sœurs. Interview de Mère Marie-Pascale Dran, abbesse depuis 2007, par Ralph Schmeder.
Mère abbesse, le confinement vous concerne-t-il aussi, vous qui avez l’habitude de vivre un peu en dehors du monde ?
Notre mode de vie habituel n’est pas du confinement, mais la clôture. Il est vrai qu’en temps normal, certaines d’entre nous ont des contacts avec l’extérieur via l’hôtellerie et le magasin. Ce qui a changé est le fait que, lors des temps de prière, nous ne sommes que la communauté, et nous avons dû fermer l’accueil des retraitants et le magasin. Le problème est que nous cultivons des champignons qui ne savent pas qu’on est en confinement. Nous devons donc les écouler. Nous avons dû assurer la sécurité de nos employés au magasin. Les gens viennent chercher leurs colis qu’on met devant la porte, accompagnés d’un bulletin de virement…
Pratiquement toutes les sœurs de Brialmont font partie des personnes à risque, notamment à cause de leur âge… Est-ce que certaines sont anxieuses ?
Non, pas vraiment, mais les deux sœurs qui me font le plus de soucis sont dans une maison de repos à Banneux. L’une est sourde et ne peut donc pas recevoir de messages téléphoniques ; l’autre, on peut lui téléphoner, mais elle ne comprend pas tout, et c’est peut-être mieux ainsi.
Dans une communauté comme la vôtre, il ne doit pas toujours être facile des respecter les distances entre les personnes. Avez-vous pris des mesures particulières ?
Oui et non. On ne sort pratiquement plus, si ce n’est pour quelques courses inévitables. Comme on reste entre nous, on ne craint pas trop la contamination. Une sœur se trouve dans le hall d’entrée et prend les précautions nécessaires quand elle revient parmi nous. Sinon, le corps médical et le personnel soignant ne viennent plus depuis des semaines…
La crise sanitaire que nous vivons entre-t-elle aussi dans votre prière ?
Oh que oui ! Constamment ! Le fait que notre église soit complètement vide tout le temps nous interpelle. Nous gardons notre rythme de vie et de prière, dès cinq heures du matin, mais le fait de nous retrouver dans une église vide est dépaysant.
Que dites-vous dans votre prière ?
Nous prions régulièrement pour le corps médical évidemment, et aujourd’hui, j’ai prié pour les personnes qui vont apprendre qu’elles sont porteuses du virus, parce que c’est quand-même un choc terrible pour la personne et son entourage. D’ailleurs, en allant à l’église, nous voyons toujours par la fenêtre le CHU à Liège, et cela nous rappelle l’importance du personnel soignant.
Et puis, il y a les médias qui font vraiment du bon travail, cathos ou pas. On ne peut que vous prendre dans nos prières. Les moyens de communication modernes sont particulièrement utiles en ces temps de confinement pour s’en sortir sans sortir…
Auriez-vous un message à adresser à nos lecteurs ?
Depuis toujours, nous les religieuses avons un horaire très structuré : à telle heure on a la prière, puis le travail, la détente, le repas. Je conseille donc aussi aux personnes qui se retrouvent dans une situation inouïe d’essayer de bien structurer leur journée et de ne pas céder à la tentation de l’oisiveté. Saint Benoît nous a donné cette arme-là, de bien alterner nos différentes occupations pour vivre la journée de manière équilibrée…