Depuis sa publication officielle le mercredi 12 février, Querida Amazonia a suscité de nombreuses réactions. Globalement bien accueillie en Amazonie, elle semble cependant en avoir déçu quelques-uns. D'autres, après fine analyse, ne tarissent pas d'éloges sur ce texte, perçu comme la confirmation d'une Eglise synodale en chemin, telle que voulue par François.
«Les quatre grands rêves du pape François ont établi la “feuille de route” que nous devons suivre», a notamment déclaré Aloysius John, le secrétaire général de Caritas Internationalis dans ce communiqué publié sur le site internet de l’organisation. Dans la région de l’Amazonie brésilienne, l’objectif principal de Caritas Internationalis est de faire des communautés locales les protagonistes de leur propre développement, et, en ce qui concerne les communautés indigènes, les acteurs de la lutte pour leurs droits et leur richesse culturelle. Le texte, a ajouté Aloysius John , «confirme l'action menée jusqu'à présent par Caritas et interpelle en même temps toute la famille Caritas». Selon le secrétaire général, “Querida Amazonia” "montre clairement que le souci de l'environnement et le souci des pauvres sont indissociables», ajoute-t-il en rappelant qu’au sein de Caritas".
Extrême prudence
Interviewés par l’agence Catholic News Service, s'ils n'ont pas ouvertement critiqué le pape, les religieux d'Amazonie se sont dits surpris et ont qualifié la décision du pape François de ne pas autoriser l'ordination des hommes mariés d'«excessivement prudente». Certains ont toutefois estimé, rapporte l'agence, que le pape François avait fait avancer la discussion sur la question. «Je dirais que nous avons été surpris par le document, puisque plus de deux tiers des évêques du synode ont voté en faveur de l'ordination des hommes mariés», a déclaré l'évêque Krautler. «Il y a ici des dizaines de communautés qui célèbrent l'Eucharistie deux ou trois fois par an. Certaines de ces personnes se sentent exclues de l'Église.» Quant à l'archevêque Roque Paloschi de Porto Velho, il estime que «L'exhortation ne ferme pas la porte, elle nous motive à continuer à marcher vers une solution».
D'autres voix s'expriment de manière encore moins enthousiastes, comme celle du père Edilberto Sena, 77 ans, de Santarem. «[L'exhortation] a définitivement mis un frein aux attentes des gens». Le redouté militant de la cause environnementale en Amazonie et directeur d'un réseau de stations de radio dans toute la région amazonienne, estime que « Sa solution pour ordonner plus de prêtres ou faire venir des prêtres du Sud ici n'est pas viable pour le moment. Ce n'est pas une solution».
Par l'intermédiaire de sa correspondante spéciale à São Paulo, Marie Naudascher, La Croix a également prix le pouls sur place. « Il ne s’agit pas d’un décret, mais d’une invitation à rêver », résume dom Walmor Oliveira de Azevedo, évêque de Belo Horizonte. Face à la presse réunie au siège de la Conférence Nationale des évêques du Brésil (CNBB) mercredi 12 février, jour de la publication de l’Exhortation apostolique « Querida Amazonia », son président souligne que ce document « appelle à parcourir le chemin missionnaire avec une nouvelle ardeur », lit-on notamment dans l'article publié en ligne par le quotidien français.
Place aux laïcs
"Non, le pape, dans son texte sur l’Amazonie , n’a pas ouvert la porte à l’ordination à la prêtrise des hommes mariés. Alors oui, certains seront déçus. Dommage, car ce texte, véritable manifeste pour un autre développement économique et social de ce vaste territoire, mérite mieux." Ce sont les mots d'Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef au journal La Croix, sur son blog. " Il faut saisir le véritable sens de ce document, qui dessine pour l’Église une direction quant à son mode de fonctionnement." écrit-elle encore. "Plutôt que d’autoriser l’ordination des prêtres mariés pour « boucher les trous », il est plus urgent de revoir notre conception de l’Église, trop cléricale. De la penser non pas à partir des seuls pplacerêtres mais de tous les baptisés." Qu'ils soient prêtres, diacres permanents, religieux ou laïcs. Et donc aussi femmes. Et "Jamais, dans toute l’histoire de l’Église, on n’a connu un pape aussi préoccupé d’accroître le rôle des laïcs". affirme Isabelle de Gaulmyn.
Un appel à la créativité
Soeur Nathalie Becquart, consultrice pour le secrétariat général du Synode des Evêques, propose également son analyse du texte. "En n’abordant pas cette question [ l'ordination d'hommes mariés ] ni celle de la réflexion sur l’ouverture du diaconat aux femmes, paradoxalement, le Pape François présente un texte bien plus fort et audacieux que l’on ne pourrait le voir à première vue." Elle nous invite donc à prendre le temps de lire personnellement cette "belle et importante exhortation" tant les différents sujets - abordés sous formes de rêves pour l’Amazonie – touchent des sujets cruciaux pour la vie du monde et la vie de l’Eglise aujourd’hui.
"Si elle se tourne particulièrement vers ceux qui vivent en Amazonie, écrit Nathalie Becquart, [cette exhortation] s’adresse en fait à nous tous comme cela est exprimé dans son titre : « exhortation apostolique post-synodale Querida Amazonia, au peuple de Dieu et à toutes les personnes de bonne volonté »
Ce texte aborde avant tout "le présent et l’avenir de notre planète" en cherchant comment, par quels chemins, l'Eglise peut se mettre au service de cet enjeu majeur social, culturel et écologique. Querida Amazonia propose également une approche intégrale qui vise à ne pas séparer l’engagement social de l’évangélisation, souligne la religieuse.
"En ne se prononçant pas directement sur les questions des Viri Probati et du diaconat des femmes (...), le Pape François, il me semble, invite à regarder la situation actuelle des ministères dans l’Eglise avec d’autres lunettes et ouvre de vraies pistes pour aller de l’avant" et sortir du cléricalisme. Cette exhortation est donc un "appel à la créativité pour chercher de nouvelles voies en sortant de nos schémas préconçus" pour développer une culture ecclésiale propre, nettement laïque, où les femmes ont toute leur place.
S.D.