Une vie cachée est le nouveau film de Terrence Malick. Un film lyrique, spirituel et introspectif sur l’objecteur de conscience Franz Jägerstätter, reconnu en 2017 martyr de l’Eglise catholique.
Au milieu des montagnes, une famille s’ébat dans les vertes pâtures autrichiennes. Nous sommes à l’aube de la Seconde Guerre mondiale et Franz Jägerstätter est encore un paysan parmi tant d’autres. Cet homme très pieu vit modestement avec sa femme et ses enfants, sans rien demander à personne. Mais la situation se corse en 1938. Au moment de l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne, il est le seul du village de St. Radegund à voter contre. Quelque temps plus tard, Franz refuse d’aller se battre pour Hitler. Il devient alors objecteur de conscience et il est embarqué vers Linz, puis Berlin. Jamais il n’acceptera de prendre les armes, porté par sa foi et l’amour qu’il porte à sa famille. Franz Jägerstätter sera exécuté en 1943 alors qu’il est détenu à la prison Brandenburg de Berlin. Une triste fin pour un homme dont le courage a été, depuis, mondialement reconnu. Béatifié et déclaré martyr par L’Église catholique en 2017, il est le héros du nouveau film de Terrence Malick, Une vie cachée.
Le temps de l’introspection
Le titre prend tout son sens quand on connait les dessous de cette histoire. Car l’acte héroïque de ce paysan autrichien était tombé dans l’oubli, avant que Gordon Zahn, un pacifiste américain, ne le remette en lumière dans les années 70. Il se base sur des lettres écrites par Franz à son épouse, Franzeska durant son incarcération loin d’elle. Quand on voit le résultat sur grand écran, c’est une certitude: cette histoire était faite pour Terrence Malick. Après s’être légèrement perdu avec des films à la beauté plastique mais sans histoire (Song to song, Knights of cup), le réalisateur américain revient à un véritable récit, grandiose et intime. A condition, toutefois, d’être préparé au rythme lent de ce film psychologique, fortement imprégné de spiritualité. Comme à son habitude, le réalisateur a recours à une voix off, qui traduit les pensées de l’objecteur de conscience. On le voit donc souvent seul, réfléchir à ses actes. En trois heures, Terrence Malick retrace le cheminement de cet homme, un héros de l’ombre. De l’autre côté de l’écran, nous nous questionnons, nous aussi.
Une vie cachée invite donc à l’introspection. Il nous pousse aussi vers la beauté de la nature, vers la simplicité. Les scènes de prison et les bruits de bottes sont effectivement entrecoupés de longs plans sur la vie dans le village autrichien de St. Radegund. Loin du champ de bataille, on se promène avec les enfants dans les étables, le long des chemins. La vie est encore paisible dans ces montagnes. On y entend le vent souffler dans les herbes hautes, on retrouve l’insouciance de l’enfance. Terrence Malick saisit les sensations comme peu de cinéastes savent le faire. On le sent s’émerveiller de la nature tandis qu’il sublime l’engagement pacifiste de Franz. Une vie cachée est un film d’amour, une œuvre tragique et épique sur la foi, le doute et les convictions. Le chemin de Franz n’a rien eu d’aisé. C’était un homme, certes extraordinaire, mais un homme. Auquel le cinéma rend hommage, non sans longueurs mais avec beaucoup de passion.
Elise LENAERTS