Les robots bénéficieront-ils bientôt d’une personnalité juridique? Pas si sûr au vu des réactions suscitées dans le monde scientifique par la recommandation émise par le Parlement Européen. Des experts ont pris la plume pour mettre en garde l’Europe contre une potentielle « dérive ».
Les concepteurs de la lettre ouverte à la Commission Européenne sur l’Intelligence Artificielle et la Robotique saluent la position du groupe d’experts sur l’Intelligence Artificielle de la Commission Européenne de ne pas prendre en compte la recommandation du Parlement européen de créer une personnalité juridique pour les robots autonomes sophistiqués.
Lors de l’audition du 9 janvier 2019 à la Commission des Affaires Juridiques, le représentant de la Commission Européenne, Dirk Staudenmayer de la Direction Générale Justice et Consommateurs a affirmé que le groupe indépendant d’experts de haut niveau sur l’IA ainsi que la Commission Européenne avaient étudié avec grand intérêt la Robotics Open Letter. Par cette lettre ouverte, près de 300 experts en IA et en robotique travaillant dans toute l’Union européenne avaient exprimé leur inquiétude quant à la création éventuelle d’une personnalité juridique pour les robots autonomes.
Dirk Staudenmayer a ajouté que les experts de la Commission européenne étaient sceptiques et même étonnés par la suggestion du Parlement européen dans le rapport sur les règles de droit civil en matière de robotique et l’IA adopté en février 2017. Dans sa première version, le rapport en question, initié par la socialiste luxembourgeoise Maddy Delvaux, envisageait même un paiement pour les services rendus par le robot, ainsi que l’attribution d’un fond au robot en vue de divers investissements. Le Groupe d’experts de la Commission Européenne, à la suite de la rédaction des Lignes directrices en matière d’éthique pour une intelligence artificielle digne de confiance, s’est opposé à cette « dérive » qui avait marqué la communauté mondiale de l’intelligence artificielle.
18 pays, 285 experts
Les auteurs à l’initiative de l’OpenLetter sur la robotique et l’IA adressée à la Commission européenne sont le professeur Nathalie Nevejans, experte en droit et éthique de la robotique et de l’IA, Maître de conférences en droit (Université d’Artois, France), membre de la commission d’éthique du CNRS, experte au Parlement européen et Laetitia Pouliquen, directrice de NBIC Ethics.
Dans cette lettre ouverte, 285 experts en Intelligence Artificielle et en Robotique de l’Union Européenne ont donc voulu exprimer publiquement leur inquiétude quant à la création éventuelle d’une personnalité juridique pour les robots autonomes. Parmi ces 285 signataires, des personnalités de renom issues de 18 pays de l’UE, parmi lesquelles des chefs de file de l’industrie et des chercheurs de haut niveau en intelligence artificielle et robotique, des experts en droit, santé et éthique, des présidents de Comité d’Ethique. Citons pour la Belgique Yves Poullet, professeur émérite en Droit (UNamur), expert en éthique auprès de l’UNESCO et du Conseil européen ainsi que Hugues Bersini, professeur en Intelligence artificielle, co-directeur du centre de recherches IRIDIA (ULB) et membre de l’Académie des Sciences. A signaler aussi la signature du théologien français Thierry Magnin, professeur d’éthique des sciences et des technologies, recteur de l’Université catholique de Lyon.
Article rédigé sur base du communiqué de presse du 14 janvier 2020 de Robotics Openletter.eu