Mes chers amis de confession musulmane,
Un collègue me confiait récemment: "Les musulmans devraient dénoncer haut et fort les radicalismes". J’ai failli m’étrangler et lui ai répondu: "Il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre". D’abord, qui sont "LES" musulmans? Personnellement, je ne connais que "DES" musulmans, vous à qui le cœur me pousse aujourd’hui à adresser ces quelques mots. Depuis quelques années, vous m’avez parfois surpris, souvent édifié et assurément transformé. Vous le savez, je suis chrétien, viscéralement épris de l’Evangile qui accompagne ma vie, vaille que vaille. Je veux simplement ici vous dire mon amitié et mon admiration pour ce que vous êtes, pour votre foi, votre courage, vos préoccupations citoyennes, intellectuelles et spirituelles. D’abord à vous, mes chers élèves musulmans, je veux dire combien j’ai ressenti votre détresse à l’époque des attentats de Paris et de Bruxelles. J’ai vu votre abattement et votre sentiment d’injustice lorsque votre religion était une nouvelle fois pointée du doigt. J’ai perçu le dégoût qu’a suscité en vous la barbarie meurtrière des terroristes infâmes qui ont bouleversé notre société. Ensemble, nous avons cherché à mieux comprendre les enjeux, élaboré plusieurs projets citoyens et fait d’incroyables rencontres. Merci à vous, Dora, Rayan, Nizar, Safwan, Soraya, Abdellah, Ayoub, Tom, Yassine… Je ne peux pas tous vous citer.
A vous, chercheuses et chercheurs de Dieu que la vie m’a permis de rencontrer, je veux aussi dire merci. Je pense à toi Hafida, citoyenne engagée, féministe de premier plan, qui t’engages farouchement pour une société plus inclusive, plus tolérante. Je pense à toi Hicham, doctorant en Sciences des religions, époustouflé par ta pédagogie, ton sens critique et tes compétences d’analyse déployées dans tes ouvrages et lors d’interminables débats sur les réseaux sociaux. Tu as permis à mes élèves de décortiquer le témoignage de Laura, jeune femme revenue de Syrie qui nous a raconté l’erreur de sa vie. Nous en gardons les images pleines de pudeur et d’intelligence que Marion a captées pour son film Les Revenantes. Je pense à toi Rachid, islamologue au grand cœur qui nous a bouleversé par ton roman Nour, Pourquoi n’ai-je rien vu venir? Toi, en larmes devant mes élèves qui s’approprient ton incroyable texte au Théâtre de Liège et nous partagent leurs rêves d’adolescents, leurs valeurs, leurs attentes pour demain. Je pense à toi Ismaël, ému par ton spectacle Djihad qui a traversé le monde. Tu discutes inlassablement depuis la scène avec tes spectateurs. Tu crées du lien, tu chasses les peurs. Je pense à vous Hocine, imam à Bruxelles, qui accompagnez les jeunes sans relâche pour leur redonner espoir et leur permettre de vivre une foi paisible. Merci d’avoir participé à la première rencontre interreligieuse que j’ai organisée. Je pense à vous Franck, imam à Verviers, à votre sens de l’humour, à votre travail pour la paix. Je pense à toi, Radouane, aujourd’hui en charge de la promotion des formations sur l’islam, à notre dialogue islamo-chrétien pour le travail de deux étudiantes. Merci pour ton érudition, ta sagesse, ton accueil. Et puis, merci à toutes les amies et amis du quotidien. A toi Walid pour nos conversations de géopolitiques. A toi Amen qui me traduis le sens de tes prières. A toi Badr qui m’as appris les plus beaux mots de l’arabe. A toutes et tous qui vivez ardemment votre vie en donnant le meilleur de vous-mêmes. Dans notre quête de foi, nous sommes les mêmes. Dans notre volonté de chercher et d’interroger, nous sommes les mêmes. Dans notre désir de paix et de liberté, nous sommes les mêmes. J’aurais pu vous ignorer. J’aurais pu croire que certaines de nos différences restent indépassables. Mais je sais que la vie est une quête de sens dont l’ultime Vérité ne sera jamais dogmatique. Ensemble, nous sommes appelés à vivre notre chemin d’existence avec congruence. Nous sommes appelés à la même Eternité, à la même Lumière, au même Amour.