J’accuse est le nouveau film de Roman Polanski. Un thriller d’espionnage sur l’affaire Dreyfus, comme vous ne l’aviez jamais vue ni entendue.
Dreyfus. Tout le monde a déjà entendu ce nom, à tout jamais lié à une affaire d’Etat. On connaît le personnage, dans ses grandes lignes, du moins. L’injustice subie par ce capitaine de l’armée française parce qu’il était juif est racontée dans les écoles, encore et encore. La plupart d’entre nous savent donc qu’Alfred Dreyfus a été déporté au bagne, que son nom a été traîné dans la boue, avant d’être réhabilité des années plus tard. Douze ans précisément, c’est le temps qu’il a fallu pour faire éclater la vérité. Les circonstances et les détails de cette histoire sont, en revanche, peu connus du grand public. Roman Polanski en avait très certainement conscience quand il s’est attelé à son dernier film.
Dans J’accuse, le cinéaste détaille méticuleusement l’enquête du colonel Picquart, celui qui a rétabli la vérité sur Dreyfus. Le film débute au moment où il est nommé à la tête du contre-espionnage. Picquart n’est alors pas différent de ses concitoyens. Il n’a rien contre les juifs, mais l’antisémitisme ambiant l’amène à les considérer avec moins d’égards que les autres. Il ne se pose donc pas plus de questions sur cette affaire, classée et prête à être oubliée. Jusqu’à ce qu’une autre enquête d’espionnage le conduise à remettre en cause les témoignages et le procès d’Alfred Dreyfus. Le colonel comprend que l’armée a commis une bourde, mais qu’elle se protège, comme toute institution. Maintenant qu’il connaît la vérité, il n’aura de cesse de vouloir révéler au monde l’innocence du capitaine.
Un sujet contemporain
Sous des dehors de film historique, ce récit a, en fait, plus du thriller d’espionnage que de la description didactique. Car Roman Polanski possède un don pour raconter. On entre dans la danse sans aucune difficulté. Mieux encore, on est maintenu en haleine durant deux bonnes heures. Ce talent lui permet de transcender un sujet historique pour qu’il fasse écho au temps présent. Aucun détail n’a été oublié, on plonge dans l’époque des moustaches, des uniformes et des salons guindés. Mais pourtant, on ne peut s’empêcher d’établir un parallèle avec les événements actuels. La montée des intégrismes, de la droite et de la gauche extrêmes, tout ça transparaît dans J’accuse. Un film puissant, superbement mis en scène, donc. A tel point qu’on en oublie la flopée de têtes d’affiche qui défilent parmi les militaires, les ministres, les aristocrates et les intellectuels. La performance de Jean Dujardin, le colonel Picquart, est d’ailleurs à souligner. L’acteur s’est totalement dévoué à son rôle et prouve qu’il est capable de jouer dans un autre registre que celui qui a contribué à sa popularité.
Cette nouvelle version fait donc partie des sorties immanquables de cet automne. Roman Polanski, lui-même juif rescapé de la Shoah, signe un de ses films les plus personnels. Comme dans Le pianiste, Palme d’or à Cannes, il s’intéresse au sort d’un opprimé, sans tomber dans le pathos, mais en comptant sur la puissance de son scénario pour nous émouvoir. La marque d’un grand réalisateur.
Elise LENAERTS