Selon une étude financée par la Fondation Roi Baudouin, il apparait que 25% des petits wallons et 40% des « ketjes » de Bruxelles vivent dans la pauvreté en Belgique. Le pays figure pourtant parmi les plus riches du monde…
Pour mesurer la pauvreté des enfants, on peut tenir compte des revenus des ménages dans lesquels ils sont nés et grandissent. Mais pour approcher de plus près cette réalité, des chercheurs ont développé au niveau européen un indicateur qui mesure les difficultés quotidiennes des enfants: la déprivation.
3 critères sur 17
Cet indicateur de déprivation développé au niveau européen s’appuie sur 17 critères considérés comme essentiels: l’enfant mange-t-il des fruits et légumes chaque jour ? Vit-il dans un logement correctement chauffé ? Peut-il participer à des excursions et fêtes scolaires ? Invite-t-il parfois des amis à la maison ? Part-il au moins une semaine par an en vacances ?… On considère qu’un enfant est en situation de déprivation lorsqu’il est privé d’au moins trois des ces critères.
La Fondation Roi Baudouin vient de publier aujourd’hui une étude dans laquelle Frank Vandenbroucke (Université d’Amsterdam) et Anne-Catherine Guio (Luxembourg Institute of Socio-Economic Research) comparent la déprivation des enfants en Belgique (globalement et pour chaque Région) avec d’autres pays européens.
Il en ressort que dans ce pays, le taux d’enfants déprivés est d’environ 15%. Un taux similaire à celui de la France, mais supérieur à celui des autres pays voisins. La déprivation présente un caractère plus sévère dans notre pays : quand on prend un seuil plus élevé (par exemple quatre ou cinq critères), l’écart se creuse avec les pays les plus proches (Allemagne, Pays-Bas, Luxembourg).
Mais cette moyenne belge recouvre de fortes disparités régionales : le taux d’enfants privés d’au moins trois items est de 29% à Bruxelles, 22% en Wallonie et 8% en Flandre.
Dans une comparaison européenne, la Flandre se positionne dans le groupe des pays les plus performants, avec une faible proportion d’enfants déprivés (comme dans les pays nordiques), la Wallonie occupe une position intermédiaire (similaire à celle de la Croatie, de Malte, de la Pologne et du Royaume-Uni) tandis que la Région de Bruxelles-Capitale se caractérise par des formes très sévères de déprivation des enfants (proche de celle de l’Espagne, de l’Italie ou de la Lituanie).
Facteurs de risque
Pour les chercheurs, différents facteurs peuvent expliquer la déprivation des enfants: le revenu du ménage, le fait de vivre dans un ménage (quasi) sans emploi, le niveau de formation des parents, le fait de vivre dans une famille monoparentale, l’endettement et les coûts du logement, le fait d’être locataires ou encore, des problèmes de santé chroniques.
Par ailleurs, l’étude révèle que la Belgique et ses trois Régions font exception au sein de l’Union européenne en ce qui concerne la proportion élevée d’enfants déprivés vivant dans un ménage sans emploi. Une particularité qui peut s’expliquer par le fait que la plupart des transferts sociaux minimums (comme les allocations de chômage minimum ou le revenu d’intégration sociale) ne permettent pas aux bénéficiaires de s’élever au-dessus du seuil de pauvreté.
Recommandations
L’étude de la Fondation Roi Baudouin ne se contente pas de présenter les faits. Elle donne aussi une série de recommandations, élaborées avec un comité composé de spécialistes du terrain. « Concrètement, différentes politiques doivent être combinées pour produire des effets bénéfiques, principalement en matière de petite enfance, d’emploi, de logement, de santé et d’enseignement. De nouvelles réformes sociales et fiscales doivent en outre voir le jour afin d’accroître le revenu net des parents isolés et peu qualifiés, sans affecter pour autant le pouvoir d’achat des ménages sans emploi. Ces réformes doivent s’accompagner d’une offre élargie de services d’accueil de la petite enfance abordables et de qualité. En matière de logement, le parc de logements sociaux doit être développé et les agences immobilières sociales doivent être davantage soutenues sur le marché locatif privé », avancent les chercheurs.
Ces derniers estiment qu’un tel plan pour lutter contre la pauvreté des enfants nécessite de mobiliser tous les acteurs et tous les niveaux de pouvoir, y compris les pouvoirs locaux – lesquels se situent à un niveau crucial pour toucher les enfants exposés au risque de pauvreté. Et de figurer parmi les priorités des prochains exécutifs (au niveau fédéral, régional et communautaire)
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