
Profil du Père Damien, au musée qui lui est consacré à Tremelo © CathoBel
Le 11 octobre 2009, le Père Damien était canonisé, 120 ans après sa mort. Dix ans après que le Père Damien a été érigé comme modèle de l’Eglise catholique, son influence en Belgique reste subtile mais réelle.
Jozef De Veuster est peut-être mort il y a cent-trente ans, mais le souvenir de son action menée sous son nom de missionnaire – Père Damien – demeure en bien des lieux. Il est évidemment présent lors de la campagne menée chaque année par Action Damien en janvier pour collecter de l’argent afin d’aider à lutter contre les maladies de la pauvreté (lèpre, tuberculose, etc.) L’influence de ce missionnaire belge du XIXe siècle dépasse pourtant largement cette seule campagne de générosité.
En 2009, lors de la canonisation du Père Damien, une enquête menée par la VRT montrait que le nouveau saint était le Belge le plus populaire, avec la première place côté flamand, la deuxième place en Wallonie. Cette influence se lit encore dans les noms de rues et d’avenues en Belgique: une dizaine de villes ont choisi de dédier au Père Damien l’une de leurs artères. Citons le cas encore plus spécifique de Braine-le-Comte: le jeune Jozef De Veuster est venu y passer quelques mois en 1858 pour se perfectionner en français. Ce séjour loin de sa famille installé à Tremelo (dans le Brabant flamand) a – semble-t-il – accéléré la prise de conscience de sa vocation de prêtre missionnaire, lui qui aurait pu poursuivre sa vie en aidant son père à la ferme. Son nom marque aujourd’hui une rue et une école de la cité hennuyère. D’autres lieux ont choisi le patronage du saint belge, tel l’école Pater-Damian à Eupen. Dans cet établissement, la mémoire du missionnaire parti à Molokaï est rappelée tous les ans aux élèves, le jour de sa commémoration (10 mai).
Changer notre regard sur les lépreux
Il paraît surprenant que le souvenir de ce Belge parti comme missionnaire dès l’âge de 23 ans subsiste jusqu’à aujourd’hui. Il est évidemment lié à l’attention qu’il a porté aux lépreux auprès de qui il s’est mobilisé pendant sa vie sur l’île de Molokaï. Le jeune missionnaire belge a fait le choix d’accepter d’être envoyé parmi les exclus. Au sein de ce « cimetière pour vivants » comme il appelait lui-même cette île où étaient exilées les personnes malades de la lèpre, pour éviter la contagion, Jozef De Veuster s’est efforcé de gagner leur confiance et de partager leurs conditions de vie. Il tenait ses confrères prêtres et sa famille au courant par une nombreuse correspondance. Ses lettres consistaient souvent aussi à demander de l’aide financière ce qui a permis de créer un réseau de solidarité par-delà les frontières.
Le missionnaire belge a contribué, et il le fait toujours par ses écrits et les actions qu’il a mises en place il y a plus d’un siècle, à changer notre regard sur les malades. Regarder au-delà des apparences pour voir les qualités humaines intrinsèques d’un individu, c’est ce à quoi nous invitent Action Damien et la fondation Raoul Follereau qui œuvrent toutes deux dans la lutte contre la lèpre. Bien sûr, le jeune Jozef était effrayé en partant de Leuven par les risques qu’il pouvait encourir lors de son voyage et de sa mission. Sur place, le futur saint a finalement fait le choix de donner sa vie, comme Jésus sur la Croix, pour le bien des malades auprès de qui il avait été envoyé en mission.
Aussi célèbre en Belgique qu’à Hawaï
Saint Damien est désormais aussi célèbre en Belgique qu’à Hawaï. Ce lien transatlantique ne date pas d’hier, comme le raconte Edouard Brion, le spécialiste du Père Damien, dans Pastoralia, au sujet de la mise en route de la cause de sa béatification en 1935: « Pour que l’archidiocèse de Malines soit habilité à mener les démarches nécessaires, il fallait que le corps du futur bienheureux soit présent sur son territoire. Or, son corps se trouvait aux îles d’Hawaï, au cimetière de la léproserie de Molokaï. Des contacts furent donc pris entre le roi des Belges, Léopold III, et le président des Etats-Unis d’Amérique, Franklin Roosevelt. » Ils étaient nombreux sur la place Saint Pierre à Rome le 11 octobre 2009 à assister à la canonisation de ce presque curé de campagne qui a jeté des ponts entre les continents.
Anne-Françoise de Beaudrap