Un jeune prêtre français a été hospitalisé pendant le deuxième semestre 2018. Les éditions Artège publient son témoignage.
Le Père Pierre Amar fait de ses mois de « Hors service » un récit précis, ponctué de réflexions spirituelles. Le prêtre, très actif dans le diocèse de Versailles mais aussi sur la scène médiatique, s’est trouvé brutalement contraint à l’immobilité, pendant l’été 2018, suite à un grave problème médical. D’abord hospitalisé en Italie, à côté de là où il était en croisière, il est ensuite rapatrié en France pour être opéré, avant de se rétablir progressivement dans une maison de repos chez les Petites Sœurs des Pauvres.
L’originalité de cet ouvrage, par comparaison avec d’autres livres témoignant de la maladie ou de la souffrance, vient d’abord de l’humour de l’auteur. Les internautes habitués du Padreblog le connaissent, des lecteurs vont peut-être le découvrir ici. Citons le chapitre consacré à la question « Qu’est-ce que vous faîtes dans la vie, Monsieur? » Le père Pierre Amar répond évidemment qu’il est prêtre, ce qui provoque surprise ou indifférence… Cet aveu professionnel permet aussi quelques confessions du personnel soignant, heureux de pouvoir trouver une oreille attentive pour les conseiller.
Une rude épreuve
Un deuxième aspect intéressant dans ce livre « Hors service » tient au questionnement de l’auteur par rapport à sa vie spirituelle et à sa pratique liturgique. A plusieurs reprises, le père Pierre Amar explique que « ne pas pouvoir célébrer la messe pendant deux mois » c’est une « rude épreuve pour un prêtre« . Il a dû se résoudre à ne suivre l’eucharistie qu’à la télévision (le Jour du Seigneur, mais aussi KTO). L’auteur, plein d’humour, souligne un autre point qui le différencie des patients ordinaires: pas de femme, pas d’enfants. Cette question ouvre d’ailleurs le livre: « En cas de diagnostic ou de pronostic grave, quelle personne de votre entourage faut-il prévenir? » L’auteur revient sur cette question du célibat dans un chapitre spécifique: « S’il [un prêtre] avait une femme et des enfants, ils auraient légitimement la première place dans son cœur. Avec son célibat, la priorité, ce sont les autres! »
Le père Pierre Amar a éprouvé la solitude dans la chambre d’hôpital, en particulier pendant les longues heures de la nuit où la douleur se réveille. Un peu plus tard, il témoigne de l’apprentissage de la vulnérabilité qu’il a pu faire pendant ces mois à l’hôpital, puis en maison de repos. Attardons-nous sur la leçon de vie que ce « jeune » prêtre de 45 ans a appris des personnes âgées qu’il côtoie chez les Petites Sœurs: « la fécondité de leurs vies et la violence de leurs luttes intérieures« . Pendant ce séjour, son supérieur lui recommande de « demeurer dans l’être et pas dans le faire. »
La lecture de « Hors service » permet de se positionner face aux questions essentielles de notre société moderne: le rythme de vie, la perspective de la mort… C’est la force du témoignage de ce prêtre qui pendant plusieurs mois a été privé de ses activités habituelles. Reconnaissons tout de même que le père Pierre Amar a eu la chance d’être entouré, de recevoir de nombreuses visites, grâce à son ancrage social et religieux. Pourtant, au cœur de la souffrance, chaque être humain se trouve désemparé, ramené à l’essentiel de ses valeurs.
Anne-Françoise de Beaudrap
Père Pierre Amar, « Hors service », Artège, 164 pages, juillet 2019.