"S’ouvrir à l’autre"
C’est la rentrée, le temps des retrouvailles! Au sein de nos mouvements, paroisses et associations, nos agendas se chargent de nouvelles activités qui participent à définir ce que nous sommes. Ces opportunités humaines disent quelque chose du sens que nous donnons à notre vie. Mais pour quel enjeu d’existence?
Se définir se fait souvent au détriment d’autrui. A la sortie de la messe, tel catholique ironise à l’égard de socialistes ou de libéraux qu’il juge trop laïcards. Sur Facebook, tel militant LGBT juge tous les cathos comme d’horribles homophobes infréquentables. Ailleurs, on commente l’actualité en bouffant ces curés, tous pédophiles, ou en stigmatisant les musulmans, obscurantistes et terroristes. On plaisante sur les Juifs, dits insensibles au sort des Palestiniens. On récuse les jeunes écologistes, doux rêveurs totalitaires. Les Flamands sont fascistes, les Wallons fainéants, les féministes ont un problème avec les hommes… la liste est longue! Catégoriser autrui derrière tant de clichés et de préjugés permet de se rassurer. C’est l’autre qui a tort. En réalité, toute vision du monde binaire engendre surtout un repli sur soi qui est une illusion de sécurité. Le fanatisme n’est pas loin, avec sa prétention à la vérité absolue et son dictat de pseudo-évidences à imposer à autrui.
Existence chrétienne
Cela me fait penser à ceux qui relèguent le christianisme à une préoccupation identitaire. "Défendre l’identité chrétienne" disent-ils. L’expression est potentiellement dangereuse. La foi chrétienne n’est pas une affaire d’identité, au sens fermé du terme, mais plutôt une plus-value d’existence. Elle s’enracine dans le terreau fertile des Evangiles qui invitent à l’ouverture réelle à autrui. Trop de conflits sont générés par des identités meurtrières pour reprendre l’expression d’Amin Maalouf. Si l’identité est bien une réalité ancrée, rien ne l’empêche d’être ouverte, évolutive, plurielle. Nous avons tous une riche histoire et des convictions pleines de nuances. De plus, une existence apaisée s’enrichit du rapport à autrui car ce dernier, par-delà ses différences, se révèle souvent être un autre moi-même. L’autre peut devenir le prochain dont parle Jésus-Christ, celui dont nous acceptons de nous rendre proche. Avec ses différences, il nous permet d’éviter l’asphyxie du "Je suis" et ouvre à une communion nouvelle. L’humain est fait pour l’échange, la relation, l’amitié. Lorsque l’étranger n’est plus étrange, il peut devenir un frère. Emmanuel Levinas parle du visage d’autrui comme ce qui lui permet d’apparaître comme un être unique, et ce visage doit susciter en nous une éthique. Nous avons une responsabilité à l’égard des autres, des différents, des étrangers, et prioritairement à l’égard des plus vulnérables qui attendent notre solidarité.
Accueillir la singularité
En cette période de renouveau dans nos activités, puissions-nous accueillir autrui avec son histoire, dans sa singularité et sa liberté. Il n’y a pas une seule façon d’être catholique, comme il n’y a pas une seule façon d’être musulman, juif, socialiste, libéral, écolo, féministe, militant… L’existence d’autrui n’est pas catégorisable derrière des étiquettes réductrices qui n’apaisent qu’illusoirement nos craintes, et ne font qu’engendrer populismes et extrémismes. Dans nos paroles et nos gestes, il nous faut détruire les frontières violentes de l’ignorance qui nous empêchent de construire ensemble. Soyons prophétiques et acceptons que le divin se révèle aussi là où on ne l’attend pas, en recherchant l’unité dans la diversité. Aux aigris qui s’abritent derrière la peur du "relativisme", je rappelle qu’il ne s’agit pas de gommer les différences ou d’ignorer les oppositions, mais de consolider le plus large dénominateur commun d’espérance et de charité. L’esprit du Christ transcende nos évidences. Sans angélisme ou naïveté, ayons le courage de sortir de notre zone de confort, car voici la Bonne Nouvelle: nous pouvons choisir de nous aimer!