541 jours! En 2010-2011, voilà le temps qu’il aura fallu pour mettre sur pied un nouveau gouvernement fédéral. Le record sera-t-il battu? Alors que Flamands et Francophones votent de plus en plus différemment, l’on est en droit de se poser la question.
Au Nord, on penche de plus en plus à droite. Au Sud, on vote de plus en plus à gauche. Surtout, la droite radicale flamande semble plus solide que jamais, tandis que le PTB francophone pourrait faire un carton ce dimanche. Non sans théâtralisation, Bart De Wever, le grand maître à penser de la Flandre, a récemment prétendu qu’il avait peur. « L’angoisse me saisit à la gorge quand je vois le résultat des sondages. » La peur de l’Anversois est-elle fondée? Se pourrait-il que Flamands et Francophones ne parviennent plus à se mettre d’accord? Y aura-t-il encore un gouvernement fédéral au lendemain du 26 mai?
Les politologues dédramatisent. Et contextualisent. « Depuis le XIXe siècle, à de nombreuses reprises, la Belgique a failli disparaître en raison des tensions communautaires », avance Pierre Verjans, politologue à l’Université de Liège. « Entre 1981 et 2007, on a eu une période calme. En 2010 et 2014, ce fut plus compliqué. Mais à chaque fois, même si elles n’étaient pas évidentes, des solutions furent trouvées. » Les forces des Belges? Leur sens du compromis, leur créativité. « Dans la politique belge, rien n’est impossible », embraye Régis Dandoy, politologue à l’UCLouvain et à l’Université de Gand. « Afin de pouvoir gouverner, les partis font toujours d’importantes concessions. En 2014, par exemple, la N-VA avait accepté de monter dans un gouvernement où il n’y aurait pas d’avancée communautaire. »
Un facteur semble de nature à complexifier la tâche des négociateurs: la multiplication des clivages. Ainsi, il n’y a pas que sur les questions purement communautaires que Flamands et Francophones divergent. Sur le socio-économique, la question migratoire ou le défi écologique, les vues diffèrent aussi largement. « C’est le coup de génie de la N-VA », observe Pierre Verjans, « elle parvient à communautariser tous les conflits ». Le politologue tempère pourtant les inquiétudes. « L’absence d’accord est une hypothèse parmi d’autres. Précisément, c’est une hypothèse à avoir en tête… pour trouver un accord! Sentir le vent du boulet peut aider à forger des solutions. »
Vincent DELCORPS