CINEMA: Portrait d’un adolescent en détresse


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CINEMA: Portrait d’un adolescent en détresse
Par La rédaction
Publié le - Modifié le
3 min

(c) Christine Plenus

Le jeune Ahmed est le nouveau film des frères Dardenne, en compétition au festival de Cannes. Le duo belge s’intéresse cette fois à la rédemption d’un jeune islamiste.

Dès leurs premiers films, Luc et Jean-Pierre Dardenne ont tiré le portrait de solitaires en quête d’identité. Rosetta, L’enfant, Le silence de Lorna, toutes ses histoires se passent dans des milieux différents, mais dans lesquels il faut lutter pour survivre. Leur nouveau-né, Le jeune Ahmed, creuse le même sillon, en s’intéressant à un gamin sans repères. Plus vraiment enfant mais pas encore tout à fait adulte, Ahmed, treize ans, vit dans une communauté musulmane en Belgique, avec sa mère et son frère. Son père décédé il y a quelques années, le jeune garçon a trouvé une nouvelle figure paternelle auprès de l’imam. Malheureusement, ce dernier n’a pas que de bonnes intentions. Convaincu que l’islam est en guerre contre les mécréants, il a bourré le crâne du jeune garçon avec des paroles radicales et dangereuses. Ahmed est maintenant obsédé par sa prière, refuse de serrer la main de sa professeur parce que c’est une femme et commence sérieusement à inquiéter sa mère, non croyante. Sa dévotion atteint un point tel qu’il commet un geste irréparable.

Sortir de la radicalisation

Sans aller plus loin dans la révélation de l’intrigue, le film des deux frères tente ensuite de voir comment un jeune radicalisé peut, ou non, revenir à la raison. Les réalisateurs ne veulent pas expliquer ce qui a poussé le jeune garçon à s’enfoncer dans le djihad. Lorsque le film commence, Ahmed est déjà endoctriné. Leur propos se situe donc après, au moment de l’accompagnement mis en place pour aider ces jeunes à se réinsérer dans la société sans être une menace pour les autres. Les frères Dardenne se sont ainsi renseignés, non seulement sur l’islam, radical et traditionnel, mais aussi sur les procédés prévus afin de sortir ces jeunes de leur enfermement haineux. Ils ne jugent pas directement le jeune garçon, la frontière entre le bien et le mal étant difficile à tracer. Ils montrent, en revanche, à quel point le lavage de cerveau peut déconnecter du réel. Le jeune Ahmed est également un portrait, celui d’un adolescent en perte de repères. Ahmed a grandi entre deux cultures, ni vraiment musulman, ni tout à fait accepté comme Belge, il a, en plus, perdu son père. Ne lui restait que son cousin, un martyr qu’il veut suivre pour donner un sens à sa vie. Ces doutes sont ceux de n’importe quel adolescent qui se cherche. Ahmed, perdu, choisit simplement une voie plus dangereuse que les autres. La faute à son passé, à l’environnement dans lequel il grandit, peut-être à son caractère. Les questions restent en suspens. Comme toujours, Luc et Jean-Pierre Dardenne ont trouvé l’acteur idéal pour le rôle. Le jeune Idir qui incarne Ahmed traduit physiquement l’égarement de son personnage. Un peu pataud, le regard fuyant, il ne respire pas la joie de vivre. Son mal-être perceptible lié au scénario subtilement écrit des frères font du Jeune Ahmed un drame social puissant. Qu’on adhère ou pas à leur cinéma, il faut reconnaître qu’ils sont sacrément talentueux.

Elise LENAERTS

Catégorie : Culture

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