
Logo du mouvement Maria 2.0
Les initiatives semblent se multiplier ces derniers temps et en tous lieux. Depuis la fracassante démission de l’équipe de rédaction du supplément féminin de L’Osservatore Romano, des femmes impliquées en Eglise et en paroisses montent au créneau et appellent à un changement radical des mentalités.
Fin mars 2019, dans une lettre ouverte destinée au pape François, Lucetta Scaraffia, fondatrice et directrice du supplément Donne Chiesa Mondo, annonçait la décision du comité de rédaction – composé de femmes – de démissionner. ″Nous jetons l′éponge, écrit-elle, car nous nous sentons entourées d′un climat de méfiance et d′une délégitimation progressive. » C’est aussi en Italie, à Bologne précisément, au même moment, que s’est créé en mars 2019 un « Observatoire de lutte contre les violences faites aux femmes dans les religions » ». (https://news.avventisti.it/e-nato-losservatorio-interreligioso-sulle-violenze-contro-le-donne/)
Des femmes en grève
En Allemagne, des femmes lancent un appel à la grève du 11 au 18 mai prochains. Conséquences attendues du mouvement : pas de femmes dans les églises, des célébrations sur le parvis, des services reportés. L’opération a été imaginée depuis la paroisse Sainte-Croix de Munster, lors d’une réunion mensuelle de réflexion sur l’encyclique Laudato si’. «Nous étions déprimées par les révélations d’agressions sexuelles commises par des prêtres et par cette exclusion persistante des femmes, qui en est l’une des causes», raconte Elisabeth Kötter dans la presse catholique allemande. Les paroissiennes eurent l’idée de montrer concrètement ce qui se passerait si elles se mettaient en grève. L’opération a été baptisée « Maria 2.0 », et son logo représente un portrait de femme, un autocollant posé sur la bouche… « Nous, les femmes, voulons un véritable renouveau de notre Église. Nous voulons y contribuer et avoir notre mot à dire. Sur un pied d’égalité, femmes et hommes, nous voulons suivre notre vocation et avancer fraternellement dans la même direction : celle de Jésus-Christ, qui nous a TOUS demandé de rendre visible son amour pour le monde. » Du 11 au 18 mai, les catholiques allemandes sont donc invitées à « ne pas mettre les pieds dans une église », à s’habiller de « blanc », et à arrêter « tout service volontaire ». La page FB Maria 2.0 comptabilise actuellement 1555 abonnés. Une pétition a également été mise en ligne : https://weact.campact.de/petitions/offener-brief-an-papst-franziskus-aus-anlass-des-sondergipfels-uber-missbrauch-in-der-kirche?fbclid=IwAR3fD1Au-FMIDSkUNGRfgBOGMmBsMhH_lZhTYJ0SGipY__qeMRSE6nobEt8;
Grâce aux médias sociaux, l’appel a vite franchi les frontières du diocèse. La Communauté des femmes catholiques allemandes (KFD) a assuré le collectif de son soutien. Même l’évêque d’Essen (Rhénanie du Nord), Mgr Franz-Josef Overbeck, et son vicaire général, le père Klaus Pfeffer, se seraient abonnés à la page Facebook, selon les organisatrices.
Le mouvement semble faire tache d’huile puisqu’en Suisse, les femmes feront aussi la grève les 14, 15 et 16 juin prochain. (https://www.frauenbund.ch/was-wir-bewegen/kirche-und-spiritualitaet/frauenkirchenstreik/)
Des pétitions pour changer les mentalités
En France, dans la région de Toulouse, un collectif majoritairement composé de femmes a lancé un mouvement pour « Des lieux pour faire du neuf dans l’Eglise ». Sur le site change.org, une pétition a déjà récolté près de 500 signatures (et le chiffre ne cesse d’augmenter). Sous la forme d’une lettre ouverte, ce groupe de « catholiques de base » s’adresse à Mgr Olivier Ribadeau Dumas et à la conférence des évêques de France.
Dans la présentation, on peut notamment lire : « Un groupe, parmi ces catholiques de base, qui, depuis plus d’un an déjà, a tenté de lancer l’alerte et de dialoguer sans succès avec l’archevêché. Nous avons constitué un dossier conséquent sur des dysfonctionnements, parfois graves, observés dans le diocèse de Toulouse – autoritarisme, abus de pouvoir, harcèlement. Prêtres et laïcs ensemble, nous avons souhaité porter ce lourd constat, accompagné de propositions concrètes pour y remédier, à l’attention de la Conférence des Evêques de France puis à celle de la nonciature, ambassade du Vatican en France. A ce jour, notre groupe n’a toujours reçu aucune réponse, hormis un accusé de réception. » L’appel des « sept catholiques de base » s’adressent aussi bien à celles et ceux qui ne veulent pas quitter l’Eglise et l’abandonner à ses dérives qu’à celles et ceux qui sont déjà partis de nos paroisses, parfois terriblement et durablement blessés. Le groupe a également une page FB « Du Neuf Dans l’Eglise ».
Pour consulter la pétition et découvrir leurs propositions, cliquer sur ce lien.
Dans le même temps, le plus médiatique Comité de la Jupe a lui aussi lancé une pétition pour l’égalité femmes-hommes qui a récolté à ce jour 6000 signatures. Il vient aussi de publier, dans la foulée, une brochure « Femmes et catholicisme. Qu’est ce qui cloche? »
Partant du constat que, dans l’Eglise catholique, être une femme n’est pas vraiment un cadeau, le comité estime qu’il est temps pour l’institution de parler « des » femmes et non plus de « la » femme. Et de nettoyer son discours concernant par exemple la primauté de l’homme dans le récit de la Genèse ou encore d’évacuer les appellations telle que « la sentinelle de l’invisible ». Dans cette brochure de 20 pages, le comité rappelle également que seuls 20% des saints et 10% des docteurs de l’Eglise sont … des femmes ! Le document s’évertue à déconstruire les principaux arguments avancés pour justifier que la prêtrise soit exclusivement réservée aux hommes avant de mettre en lumière la présence et l’activité des femmes dans la Bible. Ce texte a été composé par Anne-Joëlle Philippart, avec le concours d’Anna Mardoc et d’Anne Soupa.
Les langues se délient
Au sein même des ordres religieux, certaines voix se sont élevées.
L’abbesse Ruth Schönenberger de Tutzing en Bavière demande que des femmes soient ordonnées prêtres et aient accès aux mêmes fonctions que les hommes. (http://www.correspondanceeuropeenne.eu/2019/03/20/eglise-catholique-pression-des-religieuses-allemandes-pour-la-pretrise-des-femmes/?fbclid=IwAR3MeKKqAJhQEeQa6sWaSc31-OLpvFU3jb0980KZoM3gkcH2uQ1vVyiWIG8)
La supérieure régionale des « Missionarinnen Christi » soutient aussi cette initiative dans toute l’Allemagne. Une de leurs sœurs, Sr. Karolina Schweihofer, s’est par ailleurs exprimée publiquement sur l’ouverture aux femmes de toutes les fonctions de l’Église.
Il existe aussi un mouvement de prière intitulé « Schritt für Schritt – Gebet am Donnerstag », « Un pas après l’autre – Prière du jeudi » initié par Sr. Irene Gassmann, la prieure des bénédictines de Fahr en Suisse. Il s’agit de prier tous les jeudis pour un changement de l’Église en particulier en lien avec les abus et la situation des femmes. (Schweizer Priorin: Gebet für tiefgreifende Veränderungen in der Kirche – Vatican News)
Pour ajouter une pierre de plus à l’édifice, Sr. Katharina Ganz, supérieure générale des franciscaines d’Oberzell (Bade-Wurtemberg) a déclaré sur Domradio (12.04.19) qu’elle souffrait personnellement de ce que les femmes ne soient pas ordonnées. « Pour moi personnellement c’est une douleur. Je suis théologienne et j’ai donc exactement la même formation que mes homologues masculins. Ces derniers ont la possibilité d’être ordonnés prêtres ou diacres s’ils le souhaitent. Dans mon cas, c’est une certaine configuration génétique qui fait que cette possibilité ne m’est pas ouverte« .
Signalons encore deux initiatives prévues en Allemagne pour la promotion du diaconat des femmes le 29 avril, jour de la sainte Catherine de Sienne. A savoir une « journée du diaconat de la femme » à Mayence organisée pour la deuxième année consécutive par le « Netzwerk Diakonat der Frau » (Réseau pour le diaconat des femmes) et une marche pour le diaconat des femmes à Munich, pour demander au cardinal Marx d’appuyer le diaconat des femmes auprès du pape François.
S.D.