Souvent, nous partons du Big Bang pour arriver au point d’interrogation d’une vie au-delà de la mort. Et puis, s’il nous reste du temps, nous parlons de l’Eglise. Risquons de commencer par la fin, par l’Eglise pour arriver, s’il est possible, à l’origine de tout.
L’Eglise
Depuis 2000 ans, c’est un fait, un réseau de gens qui se réclament d’un ensemble de valeurs. Ils se sentent concernés par l’avenir de l’humanité et se veulent bourgeon d’un monde nouveau. Ils ne sont pas encore ce "Royaume" qu’annonçait Jésus de Nazareth, le prophète qui les inspire, mais son bourgeonnement. Ce Jésus, d’ailleurs, n’est pas le fondateur d’une institution, mais l’inspirateur d’une mouvance, l’initiateur d’un mouvement. Les valeurs essentielles de ce réseau sont le choix de la vie, du commencement à la fin, même quand elle est défigurée; la préférence affichée pour le plus petit, l’exclu, l’oublié; l’amour de Dieu, des autres et de soi-même, sans jamais séparer les trois.
L’au-delà
Cette "mouvance" a pour destination l’éternité. L’homme est une promesse qui sera tenue. Le christianisme est donc une foi en l’homme pour toujours. Et le Royaume dont parlait Jésus est l’accomplissement de cette quête, mais il est à vivre dès ici-bas. L’au-delà n’est donc pas un paradis à mériter, mais un ici-bas à ne pas rater. Cette éternité est à voir non en termes de récompense, mais de surplus de sens, d’intensité du présent, car elle n’est pas une étape supplémentaire, mais le plein déploiement de ce que nous sommes. "Dieu divinise ce que l’homme humanise", disait François Varillon. Et cette divinisation ne se fait pas aux dépens de notre humanisation.
La résurrection du Christ
Si les chrétiens croient en l’éternité, c’est parce que, depuis 2000 ans, un murmure parcourt l’humanité: la tombe de Jésus a été trouvée vide, ses disciples peureux se sont remis debout et ont accueilli sa présence invisible. Le message de celui qui est "ressuscité" est que l’amour est le seul chemin de vie même s’il doit traverser la mort. La résurrection a fait de cet homme, situé à un moment précis et en un lieu déterminé de l’histoire, un modèle d’humanité. Voyez comment il a vécu: proche des pauvres et des exclus, parlant comme un sage, rassemblant quelques disciples pour inaugurer son "style" nouveau.
Jésus est vrai homme et vrai Dieu, dit la tradition chrétienne depuis Chalcédoine (451). Il révèle qui est l’homme, un être capable d’aimer et promis à l’intensité de l’éternité, et qui est Dieu. Le chrétien donne en effet sa foi au Dieu tel que révélé en Jésus Christ, Dieu de miséricorde, de bienveillance et de bienfaisance, de compassion, qui s’efface pour laisser la liberté à sa créature.
La création
La science parle de la nature qui est observable dans les éprouvettes et peut s’expliquer en termes de lois universelles. La notion théologique de création, elle, invite à recevoir ce qui existe comme un don offert à notre liberté. Pourquoi y-a-t-il quelque chose et non pas rien? Le croyant répond: parce que Dieu nous en a fait cadeau. "En Lui, nous avons la vie, le mouvement et l’être", disait saint Paul. A travers le monde créé, nous entrevoyons quelque chose de divin, car tout en étant tout autre, Dieu se manifeste dans la création qu’Il nous confie.
Dieu
Au terme de ce trop bref parcours, on peut tenter de parler de Dieu en lui-même. Il est amour, résume saint Jean. Il se situe dans le registre de la gratuité, du désintéressement. "Il a créé le monde, disait le poète Hölderlin (1770-1843), comme l’océan a créé les continents: en se retirant."
La foi en Dieu n’est pas de l’ordre de l’explication ni du savoir, mais de l’espérance, celle que l’être humain aboutira. Créés à l’image Dieu, l’homme et la femme sont appelés à lui ressembler. Les chrétiens font un pas de plus en parlant de la "Trinité", Père, Fils et Esprit. L’Absolu est dialogue, échange, partage. A l’origine de tout, il y a la relation, une relation d’amour… "Voyez comme ils s’aiment", disait-on des premiers disciples. Ils voulaient en effet être reflet de cet amour divin.
Chronique de Charles DELHEZ, sj
Détail d'un vitrail de l'église St Etheldreda à Londres représentant la Création et la Trinité
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