Ces samedi 30 et dimanche 31 mars, le pape François sera à Rabat, la capitale du Maroc, sur invitation du roi Mohammed VI. Tout comme lors de sa visite à Abu Dhabi début février, le voyage pontifical commémore la rencontre de saint François avec le Sultan al-Malik al-Kamil en 1219, en plein milieu des hostilités des Croisades.
« Le Maroc a toujours été un pays multiconfessionnel », explique Driss El Yazami. A 66 ans, ce militant préside encore toujours le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME). Cet homme infatigable, qui a passé quelques mois en prison sous le roi Hassan II, était aussi le président du Conseil national des droits de l’homme (CNDH) au pays de la dynastie des Alaouites, de mars 2011 à décembre 2018.
En 2011 en effet, le Maroc s’est doté d’une nouvelle Constitution, qui prône dans son article 3 que « l’islam est la religion de l’Etat, qui garantit à tous le libre exercice des cultes. » Il y a même une petite communauté de bahaïs au pays. « Dans les années soixante, leur leader avait été condamné à mort, confie El Yazami, mais il a obtenu l’amnistie. Les bahaïs vivent leur croyance discrètement, mais en paix et leur leader a même pu publier sa biographie. »
Commandeur des croyants
Le libre exercice du culte prôné par la Constitution marocaine porte surtout sur les monothéismes. Le roi alaouite – descendant direct du Prophète Mahomet – est aussi, d’après l’école juridique des malékites , le chef spirituel du pays, le « Commandeur des croyants ». Il protège tous les Ahl al-Kitāb (les Gens du Livre ou Fils de la Révélation) y compris ceux du Tawrat (la Thora) et de l’Indjil (l’Evangile) honorés expressis verbis dans le Coran.
Le judaïsme marocain est une grande réalité historique, en témoigne entre autres la ville de Meknès et les synagogues implantées dans de nombreuses autres villes. Avant la création de l’Etat d’Israël, les juifs étaient évidemment bien plus nombreux qu’aujourd’hui. « Mais nous sommes le seul pays musulman au monde à avoir créé un musée du judaïsme », dit El Yazami, « et le Conseil des droits de l’Homme a contribué à la publication de livres sur la rénovation des cimetières juifs. »
Le nombre de chrétiens était jadis aussi bien plus nombreux. « N’oubliez pas que saint Augustin était maghrébin! Mais avec le départ des minorités chrétiennes après l’Indépendance du pays en 1956, certaines églises ont été transformées en centres culturels. Aujourd’hui, il y a un retour des chrétiens. Il ne s’agit pas seulement d’immigrants sub-sahariens ou de jeunes cadres européens, mais aussi de retraités allemands, belges ou français qui viennent vivre au Maroc. »
Nouvelles églises
Driss El Yazami plaide dès lors pour la construction de nouvelles églises là où c’est nécessaire. « De même que l’islam a eu besoin d’avoir des lieux de cultes en Europe, à la suite de l’immigration, et les a obtenus, il faudra envisager la construction de nouveau lieux de culte chrétien chez nous. Il n’y a pas encore de projets concrets, mais je sais qu’il y a eu discussion entre l’ancien archevêque de Rabat, Mgr Vincent Landel, et le ministère de l’Intérieur à ce propos. »
El Yazami mentionne aussi les protestants et les évangéliques. « Il y a une visibilité croissante de Marocains musulmans convertis, généralement par suite de l’action des évangélistes. A la demande de ces musulmans convertis, le Conseil national des Droits de l’Homme les a reçus l’année dernière. Comme la nouvelle constitution garantit aussi la liberté de penser, la question de l’apostasie se pose également. Personnellement, je crois que même sur cette question délicate, il y a des transformations dans la société marocaine que parfois on ne devine pas. »
Benoit LANNOO