Rédigés plusieurs décennies après la résurrection, les évangiles sont des témoignages de foi. Cherchant eux-mêmes à nourrir la foi des premiers chrétiens, ils nous présentent quatre portraits à la fois semblables et différents de Jésus.
Avant de désigner un livre, le mot « Evangile », dans sa signification grecque d’origine (euangelion), renvoie à une « bonne nouvelle ». De quelle bonne nouvelle s’agit-il? Pour l’apôtre Paul, il s’agit de l’annonce du salut en la personne de Jésus. A l’origine des évangiles, il y a donc l’Evangile de Jésus-Christ, mort et ressuscité, que les premiers chrétiens ont accueilli dans la foi.
Avant de mourir sur le croix et de se relever d’entre les morts, Jésus a vécu comme un homme. Il a parlé, enseigné, posé des gestes, guéri des malades. C’est ainsi que, au sein des communautés chrétiennes primitives, des traditions essentiellement orales ont commencé de circuler, relatant des faits de la vie du Christ, transmettant ses paroles et sentences. On faisait mémoire de Jésus… Sont également apparues des confessions de foi et des formules lituriques qui ont, peu à peu, été mises par écrit. C’est ce « matériau » dont se sont servis, un peu plus tard, les quatre évangélistes, fixant par écrit des éléments de ces traditions en vue de nourrir la foi du Peuple de Dieu. Ainsi, les quatre évangiles sont un témoignage de foi, appelant à la foi en ce Jésus de Nazareth, reconnu comme Fils de Dieu (Marc 1,1).
Quadryptique
Quatre évangiles, ce sont quatre regards sur Jésus, avec des concordances mutuelles, mais également des divergences qui s’expliquent, entre autres, par la différence de leurs auteurs respectifs, et les communautés différentes auxquelles ils s’adressent. Les évangiles, par conséquent, ne peuvent être lus comme des rapports journalistiques ou historiques mais, encore une fois, comme des témoignages, qui se rapportent à des événements, à des faits, mais sans prétendre à une précision « scientifique ». Ils permettent plutôt d’approcher le mystère du Ressuscité, à travers quatre récits qui offrent une sorte de quadryptique, quatre portraits différents du même sujet. C’est toujours le même Jésus, mais en insistant davantage sur l’un ou l’autre aspect, comme on le fait pour des êtres aimés.
L’autorité de Jésus
Que disent les quatre évangiles de Jésus? Parmi les évangiles, on distingue les trois évangiles synoptiques – Matthieu, Marc et Luc – de l’évangile de Jean, qui est « à part ». Le premier évangile, celui de Matthieu, fut vraisemblablement écrit entre 80 et 90, peut-être en Syrie ou en Phénicie. Dans son prologue (chapitres 1 et 2), l’auteur relate l’annonce de la naissance de Jésus à Joseph en citant le prophète Isaïe: on lui donnera le nom d’Emmanuel, « Dieu avec nous ». Jésus, c’est celui qui accomplit les promesses de Dieu à Israël. C’est ce même Jésus qui dira, à la fin de l’évangile: « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Matthieu 28,20). « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc: de toutes les nations faites des disciples », dit le Christ aux apôtres après sa résurrection (Matthieu 28,19). Le Christ, dans Matthieu, apparait comme le Messie empli d’autorité, comme un Maître et un enseignant, annonçant et inaugurant le règne de Dieu sur son Peuple.
C’est toujours le même Jésus, mais en insistant davantage sur l’un ou l’autre aspect
Le secret messianique
L’évangile de Marc, le plus court et le plus ancien – il fut sans dute rédigé à Rome vers 70 – se présente d’emblée comme… « l’Evangile de Jésus Christ, Fils de Dieu » (Marc 1,1). Dès le début de la prédication de Jésus en Galilée, Marc présente la manifestation du Fils de Dieu comme un drame. Alors que, au début de sa mission, Jésus est accepté par les foules, celui-ci invite ses disciples à ne pas révéler son identité. C’est ce que l’on appelera le « secret messianique ». Pourquoi cette discrétion de Jésus? Le deuxième évangile insiste sur l’ambiguité qui entoure l’attente du Messie par Israël et ses propres disciples, qui ne comprennent pas le sens de l’action et des paroles de Jésus. Ce n’est que dans l’humiliation du Crucifié que pourra se révéler vraiment qui est le Fils de Dieu.
Un Jésus émouvant
Dans l’évangile de Luc, rédigé vers 80-90 à destination de lecteurs grecs, une importante section est consacrée à l’enfance de Jésus. Dans cette première partie, l’auteur dévoile d’emblée le mystère de l’identité de Jésus: conçu de l’Esprit, Saint, Fils de Dieu (Luc 1,35), Sauveur et Christ Seigneur (2,11). Par ailleurs, dans l’évangile de Luc, Jésus apparaît comme particulièrement humain, émouvant, miséricordieux – ces aspects étant favorisés par la très belle teneur littéraire de l’évangile.
Un évangile spirituel
L’évangile de Jean, enfin, est différent des synoptiques à plus d’un titre. Rédigé quelques années après ceux-ci, l ne partage pas tous leurs récits, et en ajoute d’autres. Mais c’est surtout dans le contenu même de l’évangile que réside sa différence par rapport aux trois autres. Non seulement on y voit Jésus accomplir des signes, mais aussi en donner lui-même une profonde interprétation théologique, à travers des discours d’une intensité inégalée. L’évangile de Jean permet ainsi de contempler, comme de l’intérieur, le mystère de Jésus, de la relation à son Père, et du salut qu’il nous apporte en se faisant lui-même, une fois élevé dans la gloire, nourriture essentielle de l’homme.
Christophe HERINCKX, Fondation Saint-Paul