Lundi soir 25 février, la tribune des Grandes Conférences Catholiques accueillait le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, archevêque émérite de Kinshasa. Pour lui, les résultats des élections du 30 décembre dernier en RDC, ont été truqués.
Dernier orateur d’une saison 2018-2019 des Grandes Conférences Catholiques – qui a vu passé à sa tribune l’astronaute Thomas Pesquet, Michel Barnier ou encore Enrico Letta – le cardinal Laurent Monsengwo avait initialement prévu de parler de l’avenir de la RD Congo. D’emblée, le prélat a tenu à préciser qu’il avait complété ce titre par une suite: « … après la fraude électorale du 30 décembre 2018 ».
Pour lui, comme pour la Conférence épiscopale Nationale congolaise (CENCO), il n’y a aucun doute: les autorités ont manipulé les élections. Avec comme corolaire que le vainqueur désigné n’est pas le réel gagnant du scrutin présidentiel. L’archevêque émérite de Kinshasa n’a pas hésité: le véritable président sorti des urnes est Martin Fayalu, avec plus de 62% des suffrages exprimés, suivi par le candidat de la majorité présidentielle sortante, Emmanuel Ramazani, et en troisième place Félix Tshisekedi; ces deux derniers se tenant de très près avec un peu plus de 16% des votes. Selon l’archevêque émérite de Kinshasa, les données que possède la CENCO auraient été comparées avec celles du parti d’opposition de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti de Félix Tshisekedi.
Pour appuyer son propos, l’orateur a rappelé que l’Eglise congolaise avait déployé quelque 40.000 observateurs, qui ont collecté les résultats bureau par bureau, là où ils étaient présents. Et il est catégorique: l’opposant Martin Fayulu est le président élu de la RDC.
Alors, pourquoi la CENI (Commisssion nationale électorale indépendante) a-t-elle désigné Felix Tshisekedi comme gagnant, résultat confirmé par la Cour constitutionnelle congolaise, qui a rejeté le recours de Martin Fayulu. Un recours considéré comme recevable mais non fondé « faute de preuve ». Rappelons que ce dernier demande un recomptage des bulletins, bureau par bureau, demande que le cardinal appuie lui aussi.
« L’espoir est toujours vainqueur »
Pour le prélat, il ne fait aucun doute qu’il y a eu ce qu’il appelle des « arrangements ». Il fait remarquer que le président Kabila, bien qu’il ait respecté la Constitution en ne briguant pas un troisième mandat, garde en main les clés du pouvoir. A l’Assemblée nationale, sa famille politique est largement majoritaire avec 350 sièges sur 500, ce qui induit que le Premier ministre à choisir sortira de ses rangs comme le prévoit la Constitution.
Le cardinal est engagé depuis des années pour que le pays connaisse une vrai démocratisation. Très soci-eux aussi des questions sociétales, il s’était opposé au porésident Mobutui alors qu’il était à l’époque archevêque de Kisangani et président de la CENCO. Laurent Monsengwo avait aussi contesteé la réélection de l’ancien président Joseph Kabila en 2011 qui n’était pas « conforme ni à la vérité ni à la justice ». Après la répression d’une marche catholique de 2018 contestant le pouvoir, le cardinal Monsengwo avait lancé : » Que les médiocres dégagent ! » Une phrase abondamment reprise par la suite par les différentes composantes de l’opposition au président Joseph Kabila.
Pour autant, le cardinal Monsengwo reste optismiste. « L’espoir est toujours vainqueur ». Certes, on a volé au peuple congolais sa victoire, mais les Congolais gardent cette espérance d’un pays plus prospère, pacifié et dont l’avenir s’annonce radieux, a-t-il conclu.
Jean-Jacques Durré
Retrouvez bientôt l’interview du cardinal Monsengwo dans l’hebdomadaire Dimlanche n° 10 du 10 mars 2019 et en vidéo sur www.cathobel.be
Lire le texte de l’intervention du cardinal Monwengwo aux Grandes Conférences Catholiques
© Photos: GCC