Dialogue interreligieux: une déclaration historique signée à Abou Dhabi


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Dialogue interreligieux: une déclaration historique signée à Abou Dhabi
(c) Holy See Press Office
Par Pierre Granier
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
5 min

(c) Holy See Press Office

A l'occasion de son déplacement dans les Emirats arabes unis, le pape et Ahmed El-Tayeb, le grand imam d’Al-Azhar, ont signé le 4 février un document “de la plus grande importance“ en faveur de la paix mondiale et de la coexistence commune.

Ce document “courageux et prophétique“, selon Alessandro Gisotti directeur ad interim du Bureau de presse du Saint-Siège, représente un “appel pressant à répondre au mal par le bien, à renforcer le dialogue interreligieux et à promouvoir le respect réciproque pour barrer la route à ceux qui soufflent sur les braises du choc des civilisations“.
Ce texte, souligne-t-il encore, “constitue une étape de la plus grande importance dans le dialogue entre chrétiens et musulmans, un signe puissant de paix et d’espérance pour l’avenir de l’humanité“.
Le pape François et le grand imam El-Tayeb ont indiqué ensemble un “chemin de paix et de réconciliation“ que peuvent emprunter tous les hommes de bonne volonté, et pas seulement les chrétiens et les musulmans.

Terrorisme condamné

Parmi les déclarations notables dans ce document, ils condamnent toutes les pratiques qui “menacent la vie“: les actes terroristes, mais aussi l’avortement, l’euthanasie et “les politiques qui soutiennent tout cela“.
Ils réaffirment par ailleurs la nécessité de protéger tous les lieux de cultes, mais aussi de “renoncer à l’usage discriminatoire“ du terme ‘minorités’. Celui-ci “prépare le terrain“ aux hostilités et “prive certains citoyens des conquêtes et des droits religieux et civils, en les discriminant“, peut-on lire.
Le document, est-il encore écrit, sera remis aux autorités, aux leaders influents, ou encore aux organisations de la société civile. L’Eglise catholique et Al-Azhar, promettent de faire en sorte qu’il devienne “objet de recherche et de réflexion“ dans toutes les écoles, afin de créer de nouvelles générations animées du bien et de la paix.

"Démilitariser le cœur de l'homme"

Avant cette signature historique, le pape avait participé à la rencontre interreligieuse organisée à Abou Dabi pour commémorer le huitième centenaire de la rencontre entre saint François d’Assise et le sultan al-Malik al-Kāmil. Signe fort, il est entré dans la salle de conférence à ciel ouvert main dans la main avec Mohammed ben Rachid Al Maktoum, vice-président des Emirats arabes unis et émir de Dubaï, et le grand imam de l'université d'Al-Azhar au Caire.Dans son discours, le souverain pontife a réaffirmé avec force que la fraternité humaine exigeait des religions, le devoir de “bannir toute nuance d’approbation du mot guerre“.
Pour sauvegarder la paix, a-t-il poursuivi devant une assemblée de représentants religieux du monde entier, il est nécessaire d’embarquer, “comme une unique famille“, dans une arche de la fraternité capable de sillonner les mers en tempête du monde. Il n’y a pas d’autre alternative:“ou bien nous construirons ensemble l’avenir ou bien il n’y aura pas de futur“.
Les religions sont ainsi appelées à faire germer des semences de paix. Aux représentants religieux incombe donc, “peut-être comme jamais dans le passé“, une tâche urgente : “contribuer activement à démilitariser le cœur de l’homme“. La fraternité humaine, en effet, “exige de nous, représentants des religions, le devoir de bannir toute nuance d’approbation du mot guerre“.
“Rendons-le à sa misérable cruauté“, a martelé le pontife. “Ses néfastes conséquences sont sous nos yeux“, a-t-il lancé, mentionnant sans équivoque le Yémen, la Syrie, l’Irak et la Libye. Des paroles d’autant plus fortes que les Emirats arabes unis sont directement engagés dans la guerre civile yéménite du coté des forces du gouvernement d'Abdrabbo Mansour Hadi, élu en 2012, qui fait face depuis 2015 aux rebelles chiites Houthis.
“Au nom de Dieu Créateur, a insisté le successeur de Pierre, toute forme de violence est condamnée sans hésitation parce que c’est une grave profanation de l’utiliser pour justifier la haine et la violence contre le frère“. “Il n’existe pas de violence qui puisse être justifiée religieusement“.

Education et violence sont inversement proportionnelles

Il a ainsi prié d'opposer plutôt la “douce force“ de la prière et l’engagement quotidien dans le dialogue. Cette cohabitation fraternelle, a-t-il considéré, doit se fonder sur les deux ailes de l’éducation et de la justice pour prendre son envol. En ce sens, investir dans la culture réduit la haine et favorise la croissance de la civilisation et de la prospérité. Car “éducation et violence sont inversement proportionnelles“.
Le pape a notamment salué le bilan d’Abou Dabi qui “ne s’investit pas seulement dans l’extraction des ressources de la terre“, mais aussi dans celles du cœur, dans l’éducation des jeunes“. Il a néanmoins souligné l’importance de “former pour l’avenir des identités ouvertes, capables de vaincre la tentation de se replier sur soi et de se raidir“.
L’individualisme est en effet un ennemi de la fraternité. Cela se traduit dans la volonté de s’affirmer soi-même et son propre groupe au-dessus des autres. De même, une justice adressée seulement aux membres de la famille ou aux croyants de la même foi est “une justice boiteuse“.

La liberté religieuse ne se limite pas à la liberté de culte

Tout en soulignant l’engagement des Emirats arabes unis à garantir la liberté de culte, le pontife a mis en garde: la liberté religieuse ne se limite pas à cette seule liberté, mais doit également permettre de voir dans l’autre un véritable frère. Une allusion directe faite aux immigrés catholiques, Philippins et Indiens, qui vivent et travaillent dans le pays, et ont contribué à l'essor éclair des Emirats arabes unis ces 40 dernières années.
Ils apportent aussi “la qualité de leur foi“, a soutenu le pape. Car le respect et la tolérance qu’ils rencontrent, comme les lieux de culte où ils prient, leur permettent cette “maturation spirituelle“. Le pontife a ainsi encouragé à ne pas en rester là mais à mettre en place des opportunités concrètes de rencontres, non seulement dans le pays mais aussi dans tout le Moyen-Orient. Et ce d’autant plus que Dieu est avec l’homme qui cherche la paix.

Cath.ch


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