Depuis le 10 septembre 2018, Amaya Coppens est détenue à la prison « La Esperanza », proche de la capitale de Managua au Nicaragua. Ses parents et ses proches lancent un appel à la mobilisation pour tenter d’obtenir la libération de leur fille et des centaines d’opposants détenus par le régime. Une mobilisation que l’Eglise de Belgique a rejointe.
Depuis avril 2018, la société civile, étudiants et clergé catholique en tête, réclament la démission du président Daniel Ortega, ancien guérillero de 72 ans qui gouverne le pays depuis 2007 (et avant cela entre 1979 et 1990). Tout commence le 16 avril lorsqu’une première manifestation est organisée dans la capitale, Managua, par des étudiants pour protester contre la gestion calamiteuse des feux de forêt dans la réserve naturelle d’Indio Maiz, dans le sud du pays. Deux jours plus tard, à l’initiative d’étudiants encore, une nouvelle manifestation est organisée contre la réforme des retraites annoncée par le gouvernement. Très vite, le mouvement de protestation s’étend à tout le pays avec les premiers morts de la crise, deux étudiants et un policier. Le président annonce l’annulation de la réforme des retraites et, fin avril, une Marche « pour la paix et la justice » a lieu à Managua, à l’initiative notamment de l’Eglise catholique.
A la mi-mai, le Dialogue pour la Paix, présidé par la Conférence épiscopale du Nicaragua (CEN), débute à Managua. Réunissant autour de la table gouvernement et société civile, il vise à trouver une issue à la crise. Mais, en juillet, les forces gouvernementales attaquent une église de Managua où s’était réfugiée plus d’une centaine d’étudiants délogés de l’Université nationale autonome du Nicaragua. L’événement met en échec tout processus de conciliation entre le régime et l’Eglise dont le clergé est devenu la cible d’attaques par les partisans du président. Bilan du conflit? Plus de 300 personnes sont mortes et plusieurs milliers ont été blessées, 23.000 Nicaraguayens ont également fui vers le Costa Rica, où les structures d’accueil sont surchargées. Depuis la suspension du dialogue national sous les auspices de l’Eglise catholique, Daniel Ortega rejette toute nouvelle tentative de conciliation et reste fermement accroché au pouvoir.
En attente d’un procès fin février
De père belge et de mère nicaraguayenne, Amaya a la double nationalité mais a grandi au Nicaragua. Elle est étudiante en 5e année de médecine à l’Université autonome de Léon. Elle est entrée dans la contestation car elle ne voulait pas faire allégeance au président Ortega, formalité devenue obligatoire pour conserver sa bourse d’étude. Refusant de venir se réfugier en Belgique (ses deux frères eux ont fait le choix de quitter le Nicaragua), elle est arrêtée par des milices paramilitaires le 10 septembre et exhibée dans les médias comme « ennemie de la nation ». Accusée de terrorisme, elle est donc retenue depuis quatre mois dans la prison pour femmes de « La Esperanza ». Or, son avocat est formel: « Pour qu’Amaya soit considérée comme terroriste au sens défini par le Code pénal, il faut obligatoirement établir qu’elle est liée à une organisation reconnue comme terroriste. Or, ce n’est pas le cas« , expliquait-il au journal Le Monde.
Le début du procès fixé pour décembre a été reporté à fin février. Le papa d’Amaya ne se fait pas d’illusion, il sait que sa fille sera condamnée. Mais son avocat est décidé à saisir la justice internationale.
Ce que souhaitent les proches d’Amaya, c’est avant tout sensibiliser la communauté internationale à la situation désastreuse du Nicaragua et au sort des centaines d’opposants dont l’avenir est incertain. En six mois, on estime à plus de 3.000 le nombre d’arrestations, facilitées par une loi anti-terroriste votée à la va-vite en juillet 2018. Les proches d’Amaya tiennent aussi à rappeler le soutien des évêques nicaraguayens qui ont pris position et défendu les manifestants.
Garder l’espérance
Les deux frères d’Amaya, Diego et Santiago, sont actuellement en Belgique. Avec leur cousine, Justine Coppens, ils interpellent ceux qui voudront bien entendre leur message. « Cela fait quatre mois qu’Amaya est enfermée dans une petite cellule avec dix autres détenues dans un quartier de haute sécurité réservé aux prisonniers politiques. Ils n’ont pas le droit d’envoyer des lettres, ni de sortir ou d’avoir une visite médicale, nous raconte Justine. L’état de santé de certaines prisonnières se dégrade, Amaya essaie de les aider mais elle aussi souffre des conditions de détention. » Amaya n’a pas beacoup de contact avec son avocat et le suivi du procès est très compliqué, confirme Justine. Plusieurs condamnations expéditives sont déjà tombées: 20 à 30 ans de prison pour les condamnés. En Belgique, la famille est limitée dans ses actions car les manifestations devant les ambassades du Nicaragua sont contrecarrées par des militants pro-Ortega.
Au pays, la situation est dramatique, nous explique Diego: « Le gouvernement veut donner une image de normalité. Les écoles sont rouvertes mais la situation reste sous tension. Depuis neuf mois, le pays vit sous une répression sanglante et cela ne s’arrête pas. » Les médias sont bâillonnés et les ONG comme Amnesty sont également muselées. Néanmoins, Diego, Justine et Santiago gardent espoir, car c’est aussi la volonté d’Amaya. « Si nous devons utiliser son image, elle veut que ce soit avant tout pour mettre en lumière la situation au Nicaragua et de tous les prisonniers, et ramener la justice et la démocratie. » Un défi pour les générations futures car, malheureusement, les forces d’opposition ont été durement frappées, et sont peu structurées et très vulnérables.
Sophie DELHALLE