L’un des films favoris aux Oscars sort cette semaine. Green Book offre une surprenante rencontre sur les routes du sud des Etats-Unis.
Ça y est, nous y sommes! La course aux Oscars est maintenant officiellement lancée. L’un des prétendants au titre de meilleur film de l’année, Green Book, sort cette semaine et pourrait bien créer la surprise. Ce savoureux road-trip est en effet capable de voler la vedette à Roma et La favorite, grâce à son ton décalé et le message de tolérance qu’il transmet. Cette comédie dramatique nous emmène sur les routes du sud des Etats-Unis, au début des années soixante. Tony Lip, un Italo-Américain habitué à jouer les hommes de main pour un cabaret, est recruté comme chauffeur par Don Shirley, un célèbre pianiste. Celui-ci a besoin de lui car il est Noir. Dans ces Etats encore marqués par la ségrégation, il aura bien besoin d’un homme qui en impose pour le protéger.
Choc des cultures
Derrière la caméra, on retrouve Peter Farrelly, dont la renommée a été forgée par des comédies co-réalisées avec son frère, Bobby. Mary à tout prix, Fous d’Irène, L’amour extra-large… les deux frangins ne font pas toujours dans la dentelle. C’est donc relativement étonnant de le retrouver dans ce registre plus sérieux. Et pourtant. Tout bien considéré, on reconnaît la patte du réalisateur. Malgré son sujet, Green Book brille effectivement par son humour décomplexé. Le réalisateur traite du racisme avec une forme de légèreté, incarnée essentiellement par le personnage de Tony Lip (formidable Viggo Mortensen). Inculte, voire rustre, et même raciste, ce type bedonnant tout droit sorti d’un film de Scorsese représente l’Américain moyen bien ancré dans ses petites habitudes. Tony aime manger, boire, cogner et manque cruellement d’ouverture sur le monde. La preuve, il accepte au départ ce boulot pour l’argent, rien de plus. Mais le trajet au côté de Don Shirley va peu à peu lui faire revoir sa copie. Car le pianiste, au contraire, est raffiné et éduqué, aux antipodes de l’image qu’ont les Blancs des afro-américains à cette époque. Il ne mange pas du poulet frit en écoutant du jazz, mais aime la littérature et la musique classique. Don Shirley est en avance sur son temps, quitte, parfois, à être vu comme un ovni par la communauté noire.
L’humour pour éclairer
De motels en salles de concert, les deux hommes apprennent à se connaître dans ce sud dominé par l’exclusion. Tony, surtout, se rend compte des difficultés vécues par le pianiste, obligé, par exemple, de dormir dans des hôtels miteux séparés de ceux des Blancs. Le titre du film, Green Book, fait ainsi référence au Negro Motorist Green Book, qui reprenait les endroits où les Noirs pouvaient passer la nuit quand ils voyageaient sur ces routes. Alternant entre scènes d’injustice, dialogues bien écrits et moments d’émotion, le road-movie de Peter Farrelly est une balade éclairante et parfois hilarante dans l’Amérique d’hier. Dans celle d’aujourd’hui, aussi, car certains discours n’ont pas beaucoup évolué depuis l’époque où les Noirs étaient interdits de restaurant, au même titre que les chiens.
Elise LENAERTS