
A travers les crêtes siennoises autour de l’abbaye de Monte Oliveto di Maggiore. © Béatrice Petit
Le sac à dos du quotidien délesté, douze pèlerins ont choisi de se laisser enseigner par « le petit pauvre d’Assise » sur le chemin qui mène de Vézelay au berceau du franciscanisme. Chaque année depuis 2011, ces derniers avancent « pedibus cum jambis ». Ils ne sont plus qu’à quelques jours de marche de l’arrivée!
Arrivés aux portes de la Toscane, pour éviter les dénivelés raides des Alpes apuanes, nous optons pour une variante du chemin d’Assise, qui emprunte partiellement la Via Francigena dans sa plus belle partie, truffée de cités d’art et de paysages chantés par les peintres. Un grand itinéraire de pèlerinage décrit par l’archevêque Sigeric de Canterbury, qui l’emprunta en 990 pour rencontrer le pape à Rome.
« Il y a du sublime à marcher, incognito, inutile, sans agenda… La chance de vivre un chemin de lumière qui s’éteint à chaque pas pour renaître au suivant… le marcheur est un transfiguré », écrit André Weill dans de magnifiques pensées sur le chemin d’Assise, qui nourrissent notre méditation d’envoi. Sans doute est-ce pour cette raison que Caroline, fidèle pèlerine, renouvelle l’expérience en confiant s’être sentie comme au matin de Pâques, lors de sa dernière expérience.
14 septembre: Valpromaro-Lucca
A la « casa del pellegrino », l’un de nous, Raymond, laïc franciscain, bénit les tau (croix de François d’Assise) que nous porterons en chemin. Que le Seigneur nous bénisse et nous garde, qu’Il fasse sur nous rayonner Son visage et nous accorde la paix.
La « chance » nous sourit à Lucca, cette ville renommée, fondée par les Etrusques: pour la fête de la croix glorieuse, le kiosque en marbre de la cathédrale s’ouvre exceptionnellement sur un rutilant crucifix byzantin géant. Le « poverello » lui aurait vraisemblablement préféré frère Christ, nous parlant à l’oreille dans un fin silence, tel qu’évoqué par Anne Lécu dans le commentaire du jour. « Dieu est conversation ». La marche silencieuse du matin en constitue une opportunité.
16 septembre: dans les pas de saint François
Sœur chaleur et frères moustiques ne nous lâcheront pas d’une semelle. La Toscane se mérite! Sur un éperon rocheux, se dresse San Miniato alto, dominée par la tour de Frédéric II. Dans cette bourgade étonnamment préservée, se niche un ancien couvent, fondé par saint François en 1211. L’émotion nous étreint depuis la statue de François parlant aux oiseaux jusqu’au Tau inscrit dans le carrelage de la chambre. Nous approchons d’Assise et foulons les lieux qu’il a traversés. L’oasis de paix avec vue panoramique sur les paysages sculptés par l’Arno est devenue un centre d’accueil faisant revivre l’esprit du fondateur grâce à Nuovi Orizzonti, une association de laïcs travaillant avec des jeunes gens en difficulté.
Le soir, quelle joie de retrouver au réfectoire sous un grand tableau représentant saint François et sainte Claire eux aussi attablés, d’autres pèlerins nettement plus nombreux sur la Via Francigena!
L’un d’eux confie avoir parlé au pape actuel au terme d’un premier pèlerinage jusqu’à Rome. Saisi par cette rencontre, le pèlerin a décidé de réitérer en marchant pour ce François d’aujourd’hui. Nous emboîterons le pas avec cette intention spéciale dans la bourse dédiée et accrochée à l’un de nos sacs à dos.

Le groupe de l’édition 2018
17-19 septembre: San Miniato-San Gimignano
Marche de silence et d’émerveillement sur des sentiers vers Gambassi Terme. La campagne dévoile ses vallons ocre dénudés où nous pouvons suivre à perte de vue des chevreuils gambadant. Bientôt, les vignes et les oliviers camperont le décor, offrant un semblant d’ombre bienvenu à l’heure du pique-nique.
En descendant une pente un peu raide, rotules et chevilles se font sentir. Etre pèlerin, c’est marcher avec qui je suis. L’occasion aussi de vivre la fraternité lorsque le sac s’allège comme par enchantement ou qu’une main se tend. La halte dans le joyau médiéval de San Gimignano sera bienvenue, à commencer par la dégustation d’une « gelati » chez un des meilleurs glaciers au monde.
20 -21 septembre: San Gimignano-Santa Colomba
La vigne se fait sauvage, des églantiers rougissent en coiffant les gousses desséchées des genêts. Un arc-en-ciel pointe, une araignée étire sa toile comme pour iriser les perles de pluie. Une jolie maman avec deux enfants en maillot, portant une canne à pêche à proximité d’un ruisseau à l’eau étrangement cristalline. Invitation à la douceur de vivre et à l’esprit d’enfance à l’école de Francesco.
Mais les « douces » collines de Toscane n’en finissent pas de nous faire monter et descendre. A une température qui flirte avec les 40°C, l’approche de Colle di Val d’Elsa par une route à gros trafic met à mal les énergies d’autant que le balisage défaillant mène à un solide détour. « Ultreia », va plus loin, ne t’arrête pas… prends le risque de la fatigue. Marcher, c’est dire oui au parfait du présent, nous dit André Weill dans le texte à méditer du jour.
Dans la vieille ville pleine de charme, jeunes et vieux prennent le frais sur des bancs ajourés encerclant les arbres.
Le soir, la lune dorée, accompagnée de l’étoile du berger, éclaire notre table garnie d’une savoureuse pizza et d’un excellent chianti.
22 septembre- Incursion au paradis
Après le joli village de Sovicille, nous pique-niquons le long d’un petit canal, pour y admirer une église romane perdue dans les prés.
Les geais chantent la vie – et le garde-manger – dans la chênaie proche de San Rocco a Pilli. C’est là que Dom Domenico, curé de la paroisse, nous attend avec un grand sourire, les manches retroussées, toujours au service des uns et des autres, notamment des migrants venant de Lampedusa. Cet ancien pèlerin a relevé le défi de nous faire accueillir dans des familles, chose exceptionnelle sur notre chemin en Italie. Ils ne savaient pas que c’était possible, alors ils l’ont fait. Et de quelle manière! Après l’eucharistie où le prêtre nous présente comme « une bénédiction pour la paroisse », les visages rayonnent, des mains se tendent et nous enserrent: « Nous aurions tant aimé recevoir des pèlerins, nous aussi. Revenez. » Quand les mots ne viennent pas, c’est la langue du cœur qui parle.
Le soir, la paroisse s’est mobilisée pour nous offrir un festin où défilent les meilleurs plats concoctés par chacun(e). Tidiane, un jeune Malien, accueilli lui aussi par la paroisse, nous raconte son intention de partir à Paris chercher du travail. Rêve fou pour rêve fou, sœur Paule, l’une de nous, réussira quelques jours plus tard à en faire une réalité grâce à un ami prêtre parisien, très sensible lui aussi à la situation des migrants.
Nos échanges dans les familles d’accueil sont profonds et vrais, nous quittons nos hôtes en gardant un rayon de soleil au cœur.
23-24 septembre- Abbaye de Monte Oliveto Maggiore
Les cyprès alignés au pays des crêtes siennoises pointent vers le joyau des bénédictins olivétains où nous avons la chance de séjourner. Le soir, la lune caresse de son halo blond le feuillage argenté des oliviers, les paysages à couper le souffle semblent sortis de vues aériennes. Les chardons prennent des allures de tournesols, abandonnant au vent leurs semences étoilées. Face à San Giovanni d’Asso, que nos pas rejoindront l’an prochain, nous chantons le psaume de la Création en action de grâce pour ce pèlerinage.
Béatrice PETIT
Photos © Béatrice Petit
Un chemin de paix, de rencontres, de fraternité avec la nature
Depuis Vézelay jusqu’à Assise, 1.500 kilomètres balisés de façon minimaliste par le Tau de saint François, surmonté d’une colombe. Notre pèlerinage en pratique:
– du 12 au 26 septembre 2018: 11 jours de marche (environ 25 kilomètres/jour), 4 jours de trajet AR. Une voiture-balai rejoignait chaque soir l’étape.
– texte autour de la spiritualité franciscaine proposé à la méditation silencieuse le matin, suivie de temps de prière, de partage et de rencontres conviviales.
Du dimanche 22 septembre au dimanche 6 octobre 2019, nous poursuivrons jusqu’à Assise! Bienvenue à ceux qui souhaitent vivre l’expérience précédée de deux weekends préparatoires. Bonne condition physique indispensable. Nombre de places limité.
Réunion d’information le mardi 12 février 2019 à 20h à La Hulpe.
Contacts: paule.berghmans@skynet.be et petitbeatrice@yahoo.fr.
02/762 25 32 – 0486/49 61 92