14-18 et une lettre (extra)ordinaire


Partager
14-18 et une lettre (extra)ordinaire
Par Angélique Tasiaux
Publié le - Modifié le
3 min

Un siècle après sa rédaction, la lettre retrouvée à Fiquelmont est toujours d'actualité, puisqu'elle livre un message de paix et d’espérance.

La découverte est loin d'être ordinaire. En 1981, une feuille de papier coincée dans une petite bouteille de verre a été trouvée sous le toit d'une ferme en Lorraine. Elle est datée du 17 juillet 1916, veille du départ de l'unité des six soldats signataires pour Verdun.

17 juillet 1916

Pour le souvenir !

Du 27 janvier 1915 au 16 juillet 1916, ont été cantonnés dans la mansarde de M. Boulanger à Fiquelmont, les membres du 2e escadron du 2e régiment de réserve de hussards :

Caporal Franz
Caporal Wahl
Caporal Peschel
Caporal Giessen
Hussard Grünewald
Hussard Krahmer

Depuis Fiquelmont, nous nous rendions, durant les mois de juin 1915 à août 1915, aux tranchées le long du ruisseau "Renneselle" face à Hennemont. Plus tard, nous cultivâmes les champs et les prairies des environs. Abstraction faite de la pression militaire qui pèse lourdement sur nous tous, nous nous sentons ici très à l’aise et le souvenir de cette terrible guerre sera à jamais indissociable de la ferme de Fiquelmont.

Jour après jour, depuis la petite fenêtre, nous voyions l’épaisse fumée des combats; nous apercevions les éclats rouge sang des obus au loin sur les hauteurs et nous observions la nuit, avec l’impression de ne pouvoir jamais en saisir le sens ultime et las de l’horreur, la ronde des balles traçantes et les blancs faisceaux effilés des projecteurs qui fouillaient de manière fantomatique le ciel. Et jour après jour, nous espérions tout simplement la paix. Et cette paix n’arriva pas ! Quand viendra-t-elle ?

Aujourd’hui, 17 juillet 1916, nous partons. Pour une destination inconnue. Peut-être le monstre du militarisme a-t-il besoin de nourriture fraîche ? Nous devons nous soumettre. L’heure n’est pas encore venue. Nous devons quitter cette contrée que nous désignons comme notre lointain bercail.

La guerre est un métier rudement dangereux, et les souffrances que les populations des territoires occupés ont dû supporter sont grandes, très grandes, elles sont nées d’une haine amère provoquée par les dirigeants, les puissants.

Nous soldats, nous ne partageons pas ces idées. Nous avons la guerre en horreur et nous souhaitons la paix. Ce qui doit être le legs à nos petits-enfants comme prix de cette lutte insensée,
et qui doit hanter les cœurs de ce monde, pour le pour et le contre,
pour l’un, comme pressentiment pour l’autre comme réalité,
comme bonheur et malheur.

Utopie et possible Eden est une Europe unie
l’amitié entre les peuples et accomplissement de l’expression que nous sommes frères.

Salut à toi, l’inconnu qui découvre ces lignes.

Karl Wahl de Leobschütz en Haute-Silésie
Heinrich Peschel d’Elsterwerda, Province de Saxe
Willy Gissen de Crefeld
Caporal Franz d’Altenroda Bad Bibra
Hussard Krahmer de Hambourg
Hussard Grünewald de Münster en Westphalie

 

Catégorie : International

Dans la même catégorie