Théodore van Loon, cet illustre inconnu


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Théodore van Loon, cet illustre inconnu
Par Angélique Tasiaux
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
4 min

Dans ce monde surinformé, il est encore des surprises qui attendent les amateurs d'art. Le cas du peintre van Loon est une belle illustration d'un artiste qui a sombré dans l'oubli avant de susciter l'intérêt des professionnels et amateurs. Figure importante au XVIIe siècle, van Loon fut éclipsé par les trois monstres sacrés que furent Rubens, Van Dijck et Jordaens.

La première exposition entièrement dédiée au peintre Théodore van Loon vient d'ouvrir ses portes à Bruxelles, fruit d'une belle collaboration entre les partenaires institutionnels et des collectionneurs, tandis que le site de Scherpenheuvel (Montaigu) et l'église Saint-Jean-Baptiste au Béguinage accordent une attention particulière au peintre dont des tableaux ornent leurs murs.

"Une exposition patrimoniale"

Conservatrice aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique et commissaire de l'exposition sobrement intitulée "Théodore van Loon", Sabine van Sprang est enthousiaste. "On a pu préparer cette exposition sans enlever un seul tableau des autels. A Scherpenheuvel, par exemple, seuls les tableaux qui ornent les bas-côtés ont été empruntés. A Bruxelles, l'église Saint-Jean-Baptiste au Béguinage conserve une série de six tableaux de la main de l'artiste. Parmi ceux-ci, l'un se trouve en bon état, le deuxième devrait être restauré tandis que les quatre autres, qui ornaient les bas-côtés, avaient développé des chancis, c'est-à-dire de grandes taches blanches sur le vernis. Grâce au Fonds Baillet-Latour, l'Institut royal du Patrimoine artistique les a restaurés et ils sont visibles à Bozar. Monter une exposition, c'est toujours une occasion rêvée pour trouver des fonds et faire les restaurations. Il s'agit d'une exposition patrimoniale, avec pour objectif de mettre ces œuvres en sécurité." L'atelier de van Loon n'a pas encore été identifié avec précision. Sabine van Sprang nous confie avoir "pris le parti d'attribuer tous les tableaux qui sortent de l'atelier au peintre lui-même. C'est la toute première exposition et c'est un début, qui permet notamment de confronter les tableaux et de voir quelles sont les œuvres autographes et celles qui sont produites avec l'atelier. Car les documents sont muets à ce sujet. En plus, il semblerait qu'à ses débuts il travaillait dans l'atelier de Wenceslas Cobergher, l'architecte des archiducs. Celui-ci demandait à van Loon de peindre la plupart des retables des églises ou des chapelles pour la cour. Ils travaillaient en tandem. Dans l'atelier de Cobergher, il était peut-être aidé d'assistants".

Un peintre "militant", au service de la Contre-Réforme

Peu d'éléments biographiques sont parvenus jusqu'à nous, hormis quatre séjours à Rome. "Théodore van Loon s'est mis au service de l'Eglise et d'une certaine image sacrée qu'on a voulu promouvoir avec des convictions à la suite du concile de Trente (1545-1563). Il n'a pas peint de tableaux mythologiques et avait une clientèle plus restreinte. Il n'a pas suivi le baroque plus lyrique, virevoltant que Rubens commence à développer dès les années 1620. En restant dans son idiome du début, van Loon devient dépassé. L'un de ses protecteurs, Puteanus, écrit à la mort de Rubens qu'on va enfin reconnaître la valeur de van Loon. Si celui-ci est un artiste fantastique qui mérite d'être redécouvert, Rubens est un génie. Il faut être honnête!", reconnaît, non sans humour, Sabine van Sprang. "Il a été en Italie comme Rubens, a regardé les mêmes peintres. Erudit (il connaissait le latin), il a dû faire le choix d'un style d'humilité, les personnages sont souvent simples. Il y a l'idée de parler aux humbles. On a souvent une vision réductrice: le XVIIe, c'est Rubens et sa mouvance, alors qu'il y avait d'autres artistes à côté, parmi lesquels van Loon. C'est un peintre qui a aussi compté dans les développements ultérieurs de l'histoire de l'art. C'est important de le réhabiliter à sa juste valeur." Le fait que des particuliers possèdent des tableaux démontre qu'il "était un artiste déjà repéré par les amateurs".

Une peinture de dévotion

Guide à Bozar, Anne Laloyaux rapporte combien "van Loon amène le spectateur dans l'histoire représentée. Il n'y a rien d'anecdotique qui pourrait détourner l'attention. Au fur et à mesure de son émancipation de l'architecte Cobergher, ses couleurs deviennent plus éclatantes, ses gestes plus naturels". Les enjeux de la peinture de la Contre-Réforme sont au nombre de trois: instruire, convaincre, émouvoir. "Les images ne sont pas sacrées, mais elles conduisent au sacré." Ses tableaux peuvent être qualifiés de miraculeux, dans la mesure où ils conduisent au moment précis du miracle. Ainsi, les gestes dirigent le regard vers un moment crucial, tel saint Lambert plongé en pleine extase. Parmi les scènes intimes et les éléments du quotidien représentés, sans broderies ni fioritures excessives, des détails d'intérieur flamand se retrouvent, dans une volonté de "s'adresser aux gens de nos régions". Saluons, enfin, l'éclairage particulièrement réussi pour cette rétrospective inédite. Il ne plonge pas le visiteur dans la pénombre, mais restitue une forme de solennité propre aux églises.

Angélique TASIAUX

L'exposition "Théodore van Loon. Un Caravagesque entre Rome et Bruxelles" est accessible jusqu'au 13 janvier 2019 à Bozar. Des concerts complètent l'immersion dans l'époque baroque, notamment le 16 octobre (20h) à l'église Saint-Jean-Baptiste au Béguinage, les 16 et 17 novembre à la basilique Notre-Dame de Scherpenheuvel. Infos sur le site www.bozar.be

 


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