Pakistan: la chrétienne Asia Bibi acquittée


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Pakistan: la chrétienne Asia Bibi acquittée
Par Cath.ch
Publié le - Modifié le
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Une des filles de Asia Bibi avait rencontré le pape François en février 2018 (c) HazteOir.org

La chrétienne pakistanaise Asia Bibi, condamnée à mort en 2010 pour "blasphème", a été acquittée le 31 octobre 2018 par la Cour suprême du Pakistan. Les juges ont conclu à une absence de preuve et ordonné sa libération immédiate.

L'histoire d'Asia Bibi avait ému et indigné le monde entier. Cette mère de cinq enfants avait été accusée d'avoir tenu des propos "diffamants et sarcastiques" sur le prophète Mahomet, dans le cadre d'une dispute avec deux musulmanes, en 2009. Ces dernières avaient refusé un verre d'eau de la part d'Asia, sous prétexte qu'elle était chrétienne. Les femmes, ainsi que d'autres personnes de leur entourage ont porté plainte contre elle pour blasphème.

Deux condamnations à mort

Un tribunal local de sa région du Pendjab, au nord-est du Pakistan, l'avait déclarée coupable en 2010 et condamnée à la peine de mort. En 2011, l'ancien gouverneur du Pendjab, Salman Taseer, avait été assassiné par son propre garde du corps pour avoir soutenu Asia Bibi. Le meurtrier a été condamné à la peine de mort et exécuté en 2016.

Le verdict de peine capitale contre la chrétienne avait été confirmé en 2014 par la Haute cour de justice de Lahore.

La Cour suprême du Pakistan avait accepté l'appel de ses avocats en 2015. Après trois ans de débats, émaillés par de nombreuses manifestations hostiles organisées par les fondamentalistes pakistanais, les juges ont finalement constaté l'inconsistance de l'accusation et acquitté la chrétienne. Actuellement détenue dans une prison du centre du Pakistan, elle devrait être, selon le juge, immédiatement libérée.

Témoignages contradictoires

La Cour suprême a mis en évidence les nombreuses incohérences dans le dossier de l'accusation, rapporte le journal pakistanais Dawn. Les trois prétendus "témoins visuels" de l'altercation entre Asia Bibi et les deux musulmanes ont rendu des déclarations contradictoires. Le verdict de la plus haute instance judiciaire pakistanaise note que les deux femmes "sont tout à fait capables de produire de fausses dépositions" et qu'elles "avaient des raisons sérieuses de proférer des allégations non véridiques contre l'appelante".

Le jugement a provoqué la colère des milieux islamistes dans le pays. D'importantes manifestations ont éclaté dans les grandes villes du pays, où des protestataires bloquent des routes et brûlent des pneus. Le Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP), un groupe religieux extrémiste, avait promis de conduire les juges "à une fin horrible" en cas d'acquittement. Il est pratiquement certain qu'Asia Bibi devra quitter le pays et vivre sous surveillance policière.

Loi sur le blasphème instrumentalisée

Une étude de la Cour international de justice (CIJ) de 2015 a révélé que 80% des condamnations pour blasphème rendues par des tribunaux locaux sont annulées en appel. Le plus souvent parce que l'instance supérieure découvre que les plaintes ont été fabriquées de toutes pièces à de fins de "vendettas politiques ou personnelles".

De nombreuses personnalités et organisations dans le monde entier avaient pris fait et cause pour Asia Bibi. Les papes Benoît XVI et François ont notamment reçu en audience privée au Vatican la famille de la chrétienne pakistanaise. (cath.ch/ag/rz)

 


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