Anvers: la fête baroque continue


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Anvers: la fête baroque continue
L'oeuvre centrale du retable de Jan Fabre dans l'église Saint-Augustin à Anvers
Par Pierre Granier
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
4 min

L'oeuvre centrale du retable de Jan Fabre dans l'église Saint-Augustin à Anvers

Ce samedi 1er septembre, la tour de la cathédrale Notre -Dame d’Anvers fêtera ses 500 ans. Mais l’église Saint-Augustin, un peu plus loin, terminée cent ans plus tard, ne sera pas en reste. Ces deux anniversaires marquent une période particulière de l’histoire de l’art. Le nouveau style est arrivé: vive le baroque.

La tour jubilaire de la cathédrale anversoise est un des derniers chefs-d’œuvre du gothique; la petite église Saint-Augustin à la Kammenstraat, en revanche, est d'une beauté entièrement baroque. Quelle différence entre les deux! Mais c’est quoi au fond, ce style baroque? La ville d’Anvers y consacre tout un festival, qui a débuté en juin et durera encore jusqu'au début de l’année prochaine: "Antwerpen Barok 2018". Et la meilleure façon pour comprendre l’état d’esprit de l’époque baroque, c’est de visiter, entre autres, cinq églises monumentales anversoises.
Quatre de ces cinq églises monumentales n'étaient pas baroques à la base, elles étaient gothiques tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Mais les protestants avaient entièrement détruit cet intérieur au milieu du XVIe siècle; la cathédrale avait même été le centre d’une "république calviniste". La prise de la ville par le roi d’Espagne en 1585 avait mis un terme à son essor socio-économique mais dès le calme plus ou moins revenu, les Anversois qui n’avaient pas pris la fuite vers le nord s’étaient mis à réaménager leurs églises. Pour cela, les riches bourgeois et leurs confréries et guildes ont fait appel à de jeunes artistes qui étaient rentrés de voyages d’étude en Italie avec de nouvelles conceptions artistiques.

Pastorale du Tourisme

Le terme "baroque" est du XIXe siècle et a une connotation négative: il évoque une certaine exubérance voire une exagération qui peut parfois choquer. "Mais nous oublions trop facilement que ce style était moderne", dit Rudi Mannaerts. "Le décor baroque à l’intérieur des églises gothiques était un décor révolutionnaire à l’époque." L’abbé Mannaerts n’est pas seulement curé de la belle église Saint-André, il anime aussi "Toerismepastoraal Antwerpen" (Topa), une association qui s’efforce d'aider les touristes à découvrir le patrimoine religieux en profondeur.
"Avec leurs sculptures jusqu’en haut des murs et leurs peintures des plafonds, les artistes ouvraient des portes sur les réalités célestes. Pour l’homme du réveil catholique de la Contre-Réforme, le contact avec Dieu était festif; l’église devait donc être une véritable salle de fête", explique l’abbé Mannaerts. "La liturgie devenait un spectacle théâtral avec des orgues, de la musique instrumentale et vocale et des effets pompeux. Tout servait à montrer à quel point les fidèles adoraient Jésus, la Vierge et les Saints."
Pour comprendre de quoi il s’agit réellement, il faut par exemple comparer la statue de saint Pierre du XIXe siècle au seuil de la chapelle de la Sainte Vierge dans l’église Saint-Jacques et avec celle de l’évangéliste Jean juste à côté, à l’entrée du chœur. Celle du XIXe siècle est jolie, certes; mais le marbre de la statue de saint Jean vit réellement; on ressent l'espoir de l’évangéliste quand il regarde au ciel, son enthousiasme envahit le spectateur. Ça, c’est le baroque!

Jan Fabre

Le programme du festival "Antwerpen Barok 2018" est riche. Entre les concerts, expositions et manifestations, une initiative mérite cependant d’être mise en avant : la mise en place de trois nouveaux retables signés Jan Fabre dans l’église Saint-Augustin. Un retour à la tradition en quelque sorte puisque jadis, les Pères augustins avaient commandé trois grands tableaux chez les artistes les plus renommés de l’époque: Rubens, Jordaens et Van Dyck. Mais depuis la Révolution française, ces œuvres font partie de la collection permanente du Musée des Beaux-Arts de la ville et ont été remplacés par de piètres copies.
Dans l'église désormais désacralisée, devenue une merveilleuse salle de concert, l’artiste contemporain anversois a installé ses œuvres derrière les trois autels du lieu. Il s’est inspiré des thèmes des retables originaux. Là où Antoon van Dyck par exemple avait dessiné une "Extase de saint Augustin", l’artiste contemporain s’est inspiré du traité De Musica de saint Augustin pour concevoir sa "Performance monastique" avec un saint tenant un micro à la main (photo ci-contre). "Je suis un nain dans un pays de géants", dit Fabre, ajoutant aussi qu'"il n’y a pas d’avant-garde sans tradition".
Mais les références dans ces nouvelles œuvres ne sont pas le plus important. Ce qui compte, c’est qu’elles sont en parfaite harmonie avec l’intérieur baroque intime de l’ancienne église. Les nouveaux tableaux y sont à leur place, ils interpellent subtilement le spectateur et le rendent enthousiaste voire ébloui. Et ça, c’est baroque!

Benoit LANNOO

Toutes les infos sur www.antwerpenbarok2018.be

L’abbé Rudi Mannaerts et son association ont aussi développé un programme sur la tour de la cathédrale qui se déroulera le weekend des 1er et 2 septembre et sur les autres tours d’églises d’Anvers pour le weekend des Journées du Patrimoine des 8-9 septembre (www.topa.be)

Le grand public peut voir les nouveaux retables de Jan Fabre dans l'église Saint-Augustin tous les lundis de 14 à 20 heures ou à l’occasion d’un concert.

Catégorie : Belgique

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