Fruit d’un échange entre le pape François et don Marco Pozza, théologien et aumônier de prison, l’opuscule « Quand vous priez, dites Notre Père » illumine chaque verset de cette prière tellement connue … et inconnue, finalement. Extraits choisis.
En août 2017, il y a donc près d’un an, le pape François rencontrait don Marco Pozzi pour enregistrer une émission autour du Notre Père. L’ouvrage reprend donc le contenu de cet échange mais propose aussi en complément de chaque chapitre une méditation du pape François, lue au cours de l’Angélus ou de l’audience générale entre 2013 et 2017. Preuve, s’il en fallait une, que ces deux rendez-vous hebdomadaires revêtent un caractère spirituel profond et inépuisable. C’est avec sa grand-mère, figure ô combien importante pour le petit garçon et le jeune homme qu’il fut, que le pape François a appris à réciter le « Notre Père ». « Lorsque je commence à prier, il vient aussitôt », a-t-il confié à don Marco.
Prier le « Notre Père »
Tout d’abord, pourquoi prier ? La prière est le premier et le principal instrument de travail entre nos mains. Prier de manière constante fortifie notre foi et notre patience, c’est-à-dire notre capacité à lutter avec Dieu pour les choses vraiment importantes et nécessaires. La prière purifie sans cesse le cœur. La louange et la prière à Dieu préviennent le durcissement du cœur dans le ressentiment et dans l’égoïsme. Ensuite, pourquoi prier le Père, Notre Père ? « Si nous ne commençons pas la prière par ce mot, prononcé non pas avec les lèvres mais avec le cœur, nous ne prions pas en chrétien. », affirme avec force François. Le Père est celui qui nous accompagne, qui connait tout de notre vie, le bon comme le mal. Il est « Notre » Père parce que nous ne sommes pas fils unique. Et si nous ne pouvons pas être frère, alors il nous sera impossible d’être le fils de ce Père « puisqu’il est le père de tous. » Pour pouvoir lui dire « Père », je dois être en paix avec mes frères.
Jamais plus orphelins
Le pape François explique : « Le Notre Père me donne la sécurité. […] J’ai un père […] qui me fait voir la racine, qui me protège, me fait aller de l’avant, […] ». Un père qui nous laisse aussi libre de nos choix. Mais, pour le saint père, nous avons aujourd’hui la prétention de vivre dans un « monde sans pères », un monde qui a perdu le sens de la paternité. Un monde malade d’ « orphelinage ». Comme l’explique le pape, nous sommes passés d’un extrême à l’autre. Des abus de l’autoritarisme à la disparition du père, nous avons construit une société où les jeunes se sentent « orphelins en famille » et ce sentiment serait plus profond que ce que nous pensons, alerte le pape François. Les pères doivent prendre leur place et trouver le courage et l’amour de perdre du temps avec leurs enfants. Et Jésus nous a aussi fait cette promesse : « Je ne vous laisserai pas orphelins.» (Jn 14, 18)
Faire de la place à Dieu
Comment François éclaire-t-il le verset « que ton nom soit sanctifié » ? Pour le pape, le nom de Dieu doit être sanctifié en nous. Et de s’interroger : « Est-il sanctifié quand les chrétiens se battent pour le pouvoir ? est-il sanctifié dans la vie de ceux qui paient un tueur pour se débarrasser d’un ennemi ? […]. Non, là le nom de Dieu n’est pas sanctifié. » Comment faire alors ? L’une des nombreuses manières de sanctifier le nom de Dieu est de « se sentir comme un enfant entre ses mains. » Le pape nous rassure également : « Dieu n’attend pas que tu frappes à sa porte, c’est Lui qui frappe à la tienne, qui vient troubler ton cœur. Il est le premier à attendre. » Ce qui compte avant tout, c’est de faire une place à Dieu dans sa vie, en le laissant manifester sa sainteté en nous.
Le déjà et le pas encore
Dans le « Notre Père », nous invoquons aussi « que ton règne vienne ». or, si le royaume de Dieu est une espérance, il vient déjà aujourd’hui mais n’est pas encore totalement venu. « Le royaume de Dieu, c’est se laisser posséder par la certitude qu’Il est venu. » Il y a donc deux temps, deux mouvements indissociables dans le salut, la formule est de l’intervieweur : le déjà et le pas encore. Pour François, l’histoire se fait avec les plus pauvres, les mendiants, qui sont les acteurs du salut. « Le Christ est avec eux. » Dire que ton règne vienne, c’est mendier. Nous sommes donc des mendiants spirituels !
La volonté divine
François nous livre une autre très belle réflexion sur le « oui entier de Marie ». Dans la Genèse, quand l’homme choisit de se suffire à lui-même, il dit non à Dieu. Commence alors le règne de la peur qui est « toujours un symptôme de non à Dieu ». L’homme a donc commis le péché en disant non. Puis vient Marie et son grand oui – entier, total, pour toute la vie, sans condition – par lequel Jésus a commencé son chemin sur les routes de l’humanité. De même que le non des origines avait fermé le passage de l’homme vers Dieu, le oui de Marie a ouvert la voie à Dieu parmi nous. Le pape poursuit en dénonçant ce qu’il appelle « les oui à moitié », produits de notre médiocrité. Ce sont les fameux « oui, mais… » par lesquels nous fermons la porte au bien, le mal profitant alors de ces ouis manqués. Pourtant, chaque oui à Dieu donne lieu à des histoires de salut pour nous et pour les autres. Il nous invite à nous demander chaque jour : « Aujourd’hui, quel oui dois-je dire à Dieu ? »
Le pardon en famille
Pour François, la famille est « une grande école d’entrainement au don et au pardon. » Car, sans se donner et sans se pardonner, l’amour ne dure pas. Il ne faut donc pas attendre trop longtemps avant de soigner les blessures que nous provoquons, car, en cette matière, le temps joue contre nous en rendant les choses plus difficiles. Le conseil du pape est le suivant : ne jamais laisser une journée se terminer sans se demander pardon. Point besoin de long discours, parfois une caresse suffit. Si nous apprenons à vivre ainsi en famille, nous le faisons également en dehors, partout où nous nous trouvons.
Voici donc quelques-unes des belles réflexions échangées entre le souverain père et don Marco Pozza. Terminons pas ce paragraphe merveilleux : « Il faut du courage pour réciter le Notre Père. Il faut du courage. Je le dis : commencez à dire « papa » et à croire réellement que Dieu est le Père qui vous accompagne, vous pardonne, vous donne votre pain, est attentif à tout ce que vous demandez, vous revêt des fleurs des champs. Croire est un grand risque : et si ce n’était pas vrai ? oser, oser, mais tous ensemble. C’est pourquoi prier ensemble est si beau : parce que nous nous aidons les uns les autres à oser. »
Sophie Delhalle
Quand vous priez, dites Notre Père, Pape François, bayard, Vaticana, 2018, 15 euros