Solennité du Saint-Sacrement : Dieu se donne en nourriture


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Solennité du Saint-Sacrement : Dieu se donne en nourriture
Par Christophe Herinckx
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
6 min

C’est le pape Urbain IV qui instaura la Fête-Dieu pour toute l’Eglise, en 1264. Cette nouvelle solennité devait promouvoir la foi en la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie. La question de cette présence se pose aux chrétiens de toutes les générations.

Lorsque la Fête-Dieu fut instituée au XIIIe siècle, l’Eglise d’Occident traversait une période d’âpres disputes théologiques au sujet de l’Eucharistie. Depuis près de deux siècles, la question était: le Christ est-il réellement présent dans le pain et le vin consacrés lors de la messe ou ceux-ci ne sont-ils que les symboles du corps et du sang du Christ, leur représentation?
Cette nouvelle fête, que l’on appelle aujourd’hui "Solennité du Saint-Sacrement du corps et du sang du Christ", va contribuer, dans l’Eglise des siècles suivants, à la reconnaissance de la "présence réelle" du Christ dans l’Eucharistie.
A l’occasion de la Fête-Dieu, célébrée le jeudi ou le dimanche après la Trinité, posons-nous ces questions à notre tour: le pain et le vin de l’Eucharistie sont-ils réellement le corps et le sang du Christ, et si oui, de quelle manière? Et en quoi cette question est-elle importante pour notre vie chrétienne, notre vie spirituelle?

L’Eucharistie dans le Nouveau Testament
Pour tenter de répondre à ces questions, partons de quelques textes du Nouveau Testament. Les trois évangiles synoptiques (Matthieu, Marc, Luc) et la première lettre de saint Paul aux Corinthiens (1 Co 11, 23-26) contiennent un récit de l’institution de l’Eucharistie par Jésus, la veille de sa passion. Ce récit est bien connu dans nos assemblées dominicales puisqu’il est repris dans la prière de consécration du pain et du vin. En voici la version rapportée par Paul, qui est la plus ancienne connue: "La nuit même où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit, et dit: ‘Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi’. Après le repas, il fit de même avec la coupe, en disant: ‘Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. Chaque fois que vous en boirez, faites cela en mémoire de moi’."
Est-on certain que ces paroles ont été effectivement prononcées par Jésus? Paul écrit ce texte vers 55, soit une vingtaine d’années après la résurrection. Lui-même précise d’ailleurs qu’il a reçu ces paroles "de la tradition qui vient du Seigneur". Cette allusion est importante, car elle indique qu’il existe une tradition orale, et surtout un "vécu de la foi" des premières communautés chrétiennes, vécu qui précède les écritures du Nouveau Testament. Si on ne peut savoir ce que Jésus a dit exactement, au sens historique du terme, les textes relatant l’institution de l’Eucharistie nous dévoilent par contre ce que les premiers chrétiens croyaient et vivaient, notamment dans leurs Eucharisties "primitives".
Les mots utilisés dans ces récits ne le sont pas par hasard, mais ils expriment un témoignage de foi. Or, les mots qu’on rapporte comme étant ceux de Jésus disent: "ceci est mon corps", "ceci est mon sang". Et non pas: "ceci représente", ou "est le symbole de mon corps, de mon sang". Ces mots, rapportés avec soin dans des formules déjà liturgiques, expriment à eux seuls en quoi les premiers chrétiens croyaient au sujet de l’Eucharistie.
Par ailleurs, le terme "mémoire", utilisé dans ces textes, doit être compris dans le contexte de l’époque, celui de la culture juive. "Faire mémoire" de quelque chose – le "mémorial" de la Pâque par exemple – ne signifie pas simplement évoquer, ou se souvenir de quelque chose, mais actualiser un événement, le rendre effectivement présent et agissant pour celles et ceux qui participent au mémorial. En d’autres termes: chaque fois que le prêtre dit les paroles de l’institution de l’Eucharistie, au cours d’une messe, c’est réellement le don de Jésus qui se rend présent: le don de son corps sur la croix, par amour pour nous, le don de son sang, qui scelle la nouvelle alliance de toute l’humanité avec Dieu.

Une présence… sacramentelle
C’est à partir de là que l’on peut comprendre la présence réelle du Christ, mort et ressuscité, dans l’Eucharistie, dans le pain et le vin consacrés. Lorsque le prêtre, ou l’évêque, dit les paroles de la consécration, le Christ ressuscité, qui vit dans le sein du Père, se rend présent et se donne à nous en nourriture spirituelle. Il ne s’agit pas d’une présence seulement symbolique. Il ne s’agit pas non plus d’une présence physique, au sens courant du terme, mais d’une présence… sacramentelle, unique en son genre.
Après l’Ascension, et par le don de l’Esprit à la Pentecôte, le Christ ressuscité demeure présent dans son Eglise, et en chacun de nous. Il s’agit d’une présence qui nous nourrit, sous différentes formes, mais de manière particulière à travers l’Eucharistie. Dieu se donne à nous en nourriture. Comment comprendre cela? Un autre texte nous éclaire sur cette réalité spirituelle, qui est au cœur du mystère de notre foi. Il s’agit du chapitre 6 de l’évangile de Jean. L’auteur y relate comment Jésus a nourri une foule de cinq mille hommes avec cinq pains et deux poissons. L’allusion eucharistique de ce texte est frappante: "Alors Jésus prit les pains, il rendit grâce et les distribua aux convives" (Jean 6, 11). La suite du texte, d’une teneur théologique et spirituelle exceptionnelle, nous donne le sens de ce signe: le véritable pain est celui qui nous est donné par Dieu. Or, le pain de Dieu est celui qui descend du Ciel (6, 33): Jésus, envoyé par Dieu pour donner la vie de Dieu à l’humanité. Dès lors, qui voit le Fils et croit en lui a la vie éternelle (6, 40), et il n’aura plus jamais faim ni soif (6, 35). Jésus, bien sûr, parle de la faim et de la soif fondamentales de l’homme, que Dieu seul peut combler.
Jésus, Fils envoyé du Père, est lui-même cette véritable nourriture. Se faisant plus précis, au point de choquer ses auditeurs, Jésus dit que ce pain, "c’est (sa) chair, donnée pour que le monde ait la vie" (6, 51). "Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour" (6, 54).
Paroles rudes pour ses disciples, mais qui sont comme un défi lancé à leur foi et à la nôtre. Il ne s’agit bien sûr pas d’anthropophagie, la chair et le sang de Jésus désignent la concrétude de son humanité. C’est en accueillant l’humanité de Jésus, Dieu fait chair, que nous pouvons vivre de la vie éternelle, dès maintenant. Et cette vie éternelle, c’est la communion avec Dieu.
Cette vie, cette communion avec Dieu, se réalise en particulier lorsque nous communions au corps et au sang du Christ, sous la "forme" du pain et du vin eucharistiques. "Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui" (Jean 6, 56). Cette communion au corps et au sang du Christ est aussi ce qui nourrit la communion des croyants entre eux, au sein de l’Eglise, qui est le Corps
du Christ.

Christophe HERINCKX

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