
Albert Rondelet, Pauline van der Linden et le frère Patrick Gillard, o.p. font partie de l’aumônerie de la prison d’Ittre.
L’asbl Au-delà est une association chrétienne catholique qui accompagne d’anciens détenus sur leur chemin de réinsertion. Au-delà met à présent deux chambres à leur disposition. La personne est prise en compte dans sa globalité en vue d’une libération qui soit aussi intérieure.
Le frère Patrick Gillard, dominicain, et Pauline van der Linden, ont accompagné des détenus en tant qu’aumôniers à la prison d’Ittre pendant de nombreuses années. Certains détenus, « étaient complètement isolés au niveau relationnel, extrêmement précarisés sur les plans non seulement financier mais aussi familial, sentimental, intellectuel », explique le frère Patrick. « Ces précarités se transformaient parfois en simple poursuite de leur parcours carcéral. Et donc a émergé l’idée d’accompagner d’anciens détenus et ce d’autant plus qu’ils étaient demandeurs. »
Ce projet a pu être concrétisé grâce à la générosité de différents donateurs. Un appartement a été rénové et deux chambres sont prêtes pour accueillir d’anciens détenus. « L’asbl Au-delà peut accueillir deux détenus en hébergement pour une période de maximum onze mois. Cet hébergement constitue un tremplin pour qu’une personne précarisée à différents niveaux puisse se relancer dans la vie après un long parcours en détention. » Par ailleurs, l’association accompagne d’autres anciens détenus en
extra-muros.
Pour les membres de l’asbl Au-delà, la dimension chrétienne est centrale. « Le but n’était pas de créer un hébergement de plus, un accompagnement psycho-social de plus, mais de proposer d’abord un accompagnement humain et spirituel. Ce n’est pas simplement une étiquette chrétienne », note le frère Patrick. Grâce à Au-delà, les anciens détenus continuent leur parcours de foi après la fin de leur détention, en lien avec leurs anciens aumôniers ainsi qu’avec les personnes de l’association.
C’est ainsi qu’un premier détenu a été accueilli le 16 octobre dernier et a quitté l’hébergement fin février avec un travail à temps plein et un logement. Il suit également un parcours vers la confirmation.
Dépasser la culpabilité
A l’approche des dates d’admissibilité à des peines alternatives, comme le bracelet électronique, des questions pratiques se posent, comme la possibilité de suivre une formation. Certains détenus n’ont que le diplôme primaire. Le frère Patrick explique que des murs se dressent là où tout semble naturel à la plupart des gens. « Le but est de faire reculer ces murs, ou bien de réaliser qu’ils ne sont pas infranchissables. »
Au-delà accompagne les détenus « vers une sortie de détention qui soit une libération profonde ». Pour parvenir à cette libération intérieure, la première étape est tout d’abord d’accepter sa faute. Pauline souligne que reconnaître les faits peut être très difficile quand on a commis l’irréparable. Une étape pourtant indispensable. Le but n’est pas d’être d’abord ou seulement pétri de regret, mais d’identifier la faute. Ensuite, d’être capable de dire: « plus jamais ça! ». « Les assassins n’ont pas d’autre destinée dans la perspective chrétienne que d’être saints, note le frère Patrick. Il y a quelque chose qui doit être compris du fond de l’âme et du cœur. Ce n’est pas juste des mots ou une théorie chrétienne. Il faut chercher cette sainteté, et changer! »
Pauline rappelle également que la personne ne se réduit pas uniquement aux actes qu’elle a commis. Par delà les actes et les fautes, chaque personne a un potentiel infini.
Accepter les limites
« Quand les détenus acceptent une vérité judiciaire – qui ne dit pas toujours toute la réalité de ce qui s’est passé mais qui en dit une partie –, explique le frère Patrick, ils peuvent entrer dans une démarche de vérité, comme en posant un premier maillon d’une chaîne à laquelle il faut ajouter d’autres maillons de vérité. Si certaines chaînes nous enferment, d’autres nous aident à sortir du trou. »
Il faut accepter aussi que les autres n’avancent pas forcément au même rythme: « Les victimes se souviennent et c’est bien normal. C’est une question de respect aussi, d’accepter que les victimes ne pardonnent pas. Chacun a son temps pour ça. Le détenu entre dans une humilité face à ces questions. Quand on sait qu’on a fait tellement mal, il faut parfois accepter que c’est comme ça, et de vivre avec cette blessure. »
En plus des victimes, il y a aussi, pour les détenus leurs proches, « tous ceux qui les aimaient tant, et qui continuent à les aimer mais qui sont comme brisés, touchés ou trahis dans leur confiance ».
La faute implique certaines limites que les détenus doivent d’abord accepter, pour reprendre leur vie en main, quelle que soit l’attitude des gens qui les entourent: « A un moment, c’est moi qui dois me décider. Au-delà de la culpabilité, certains ont la capacité de découvrir qu’il y a un chemin que ‘je’ peux faire, et personne ne pourra le faire à ‘ma’ place. Et de se faire aider pour le parcourir évidemment », note le frère Patrick.
Mais s’il faut accepter certaines limites, c’est pour mieux en dépasser d’autres. L’asbl Au-delà accompagne les détenus vers un franchissement. Il s’agit de « découvrir que la liberté est un chemin de libération ». Au-delà, c’est bien-entendu « au-delà des barreaux », l’après-détention, mais c’est aussi la perspective infinie du croyant. « On avance vers la vie éternelle. Ce qui habite le chrétien, c’est l’espérance. L’espérance permet de franchir beaucoup de choses. »
Madeleine-Marie HUMPERS