Peine de mort: la tendance abolitionniste progresse


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Peine de mort: la tendance abolitionniste progresse
Par Sophie Delhalle
Publié le - Modifié le
5 min

Amnesty International vient de publier son rapport annuel sur le recours à la peine de mort en 2017. Un bilan qui montre certes une progression du mouvement abolitionniste mais qui reste préoccupant dans certaines parties du monde.

Que retenir de ce bilan ? Tout d’abord une baisse globale des exécutions et condamnations à mort. Chaque année en moyenne, deux pays rejoignent le clan des abolitionnistes. Ils sont désormais 142 à avoir aboli la peine capitale dans leur législation ou dans les faits (depuis au moins 10 ans). 56 pays recourent encore fréquemment à la peine de mort. L’Afrique subsaharienne continue de se montrer bonne élève malgré les énormes difficultés auxquelles elle est confrontée. Elle compte désormais 20 pays abolitionnistes dont la Guinée et le Kenya qui ont rejoint ce groupe en 2017. En Mongolie, c’est l’aboutissement d’un travail de très longue haleine à tous les niveaux - entre différentes acteurs comme les associations de défense de droits de l’homme, l’opinion publique, les autorités politiques – qui lui a permis de franchir le pas. Un processus qui tend vers l’abolition ne peut aboutir que lorsque les différentes parties s’accordent sur le consensus suivant : l’abolition de la peine de mort n’entraine pas d’augmentation de la criminalité. En la matière, le Canada en est un bon exemple, ayant même connu une baisse de sa criminalité depuis que la justice ne condamne plus de prévenus à la peine capitale.

Pour Amnesty, ces progrès importants confirment que le monde a atteint un point de non-retour et que l’abolition totale du châtiment le plus cruel, le plus inhumain et le plus dégradant qui soit est à notre portée.

Néanmoins, la situation reste alarmante dans d’autres parties du monde. En fait, quatre pays concentrent à eux seuls 84 % des exécutions comptabilisée en 2017 : l’Iran (507), l’Arabie Saoudite (146), l’Irak (125) et le Pakistan (60). Mais seule le troisième enregistre une augmentation de son chiffre. Le rapport d’Amnesty souligne également que des exécutions ont eu lieu en public en Iran (au moins 31). À la connaissance de l’organisation, au moins 21 919 personnes à travers le monde se trouvaient sous le coup d’une condamnation à mort à la fin de l’année 2017.

Aux Etats-Unis, où chaque état est libre de maintenir le recours à la peine capitale, on constate toutefois un réveil des consciences suite à la condamnation de plusieurs personnes ayant pu être innocentées. Il y a donc une raison morale à la diminution des exécutions mais aussi d’ordre purement pratique. Les pays européens refusent désormais de livrer des produits destinés aux injections létales. Le stock américain diminue et les états se voient contraints de retarder les exécutions par manque de produits. Les exécutions « ratées » qui durent parfois plusiers heures avant d’être finalement stoppées ont également fait beaucoup de tort à l’image de cette pratique assimilée à un traitement inhumain.

Si le nombre d’exécutions a donc fortement diminué en 2017, il reste néanmoins une importante source d’inquiétude concernant les motivations et les modalités pour recourir à la peine capitale.

Au Moyen-Orient et en Asie, la peine de mort est employée comme moyen de lutte contre les trafics de drogue. C’est notamment le cas de l’Iran qui a rendu la peine de mort automatique pour les détenteurs de drogue, peu importe la quantité en leur possession. La Malaisie a également adopté cette politique pour lutter contre le trafic de stupéfiants avec pour conséquence l’exécution de

mulets, personnes ayant transporté de la drogue, par exemple dans une valise, à leur insu. Cet exemple montre bien que la peine de mort reste une source d’injustice et d’erreur irréparable.

Comment expliquer que des pays comme le Pakistan connaissent des chiffres très fluctuants : plus de 300 exécutions en 2016, « seulement » une trentaine en 2017. La vague d’attentats et les attaques terroristes appellent une réaction forte des gouvernements qui voient en l’exécution de nombreux coupable et/ou suspects une réponse efficace et souhaitée par l’opinion publique. On peut donc parler de pics d’exécutions répondant à l’actualité d’un pays confronté à des évènements meurtriers ou des rébellions. Dès lors, sous couvert de la lutte anti-terroriste ou anti-complotiste, certains gouvernements justifient le recours à la peine de mort par des circonstances impérieuses de représailles pour mater un adversaire.

Une autre information assez interpellante mise en lumière dans ce rapport est l’exécution de personnes mineures au moment des faits pour lesquelles elles sont condamnées. Il s’agit là d’une totale et flagrante violation du droit international. A noter aussi que dans certains pays on exécute pour motif de blasphème.

Dans ce rapport, beaucoup ne manqueront pas de dénoter l’absence de plusieurs pays dont la Chine où les chiffres relatifs à l’application de la peine de mort sont classés secret d’État. Or, d’après les informations disponibles, des milliers de personnes sont condamnées à mort et exécutées dans ce pays chaque année. Amnesty se refuse également à communiquer les informations biaisées que veut bien transmettre la Chine.

Pour Amnesty, il est indispensable de poursuivre le travail d’information et de sensibilisation chez nous. Même si les mécanismes législatifs européens empêchent tout rétablissement de la peine de mort dans l’Union, on sent qu’une partie de l’opinion publique est travaillée par des discours populistes et certains responsables politiques n’ont plus peur de déclarer que le recours à la peine de mort peut être une solution. Il faut donc continuer à informer le grand public sur le caractère injuste, discriminatoire et irrévocable de la peine de mort. Restons vigilants dans un climat d’insécurité lié aux attentats qui a entrainé un retour de balancier sur cette question, nous met en garde Amnesty.

Sophie Delhalle

Pour lire le rapport complet, cliquer sur ce lien.


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