Exit les cours de religion et de morale au profit de cours de citoyenneté? Le MR dépose une proposition visant à faire passer le cours de philosophie et citoyenneté de une à deux heures obligatoires par semaine… aussi bien dans l'enseignement libre que dans l'officiel.
En septembre 2016, un nouveau cours a fait son apparition dans le programme des élèves du primaire de l'enseignement officiel. Il s'agit du cours de philosophie et citoyenneté, en abrégé CPC. Ce cours est également dispensé depuis cette année académique, à raison d'une à deux heures par semaine, dans le secondaire officiel. 140.000 élèves du secondaire sont concernés par l'extension de ce nouveau cursus qui remplace systématiquement une heure de religion ou de morale et offre la possibilité d'opter pour une seconde heure. Dans les écoles, l'enthousiasme pour cette seconde heure de CPC a été plutôt mitigé. Hormis dans quelques établissement à Bruxelles, la grande majorité des élèves ont préféré maintenir une heure de cours de religion(s) au programme.
L'Eglise et le cdH rappellent la Constitution
Vendredi, le père Tommy Scholtes, porte-parole des évêques de Belgique, a réagi à la proposition de décret du MR en rappelant que les cours de religion sont inscrits dans la Constitution: "Pour rappel, à ceux qui souhaitent généraliser le cours de citoyenneté en supprimant les cours de religion dans l'enseignement officiel, la Constitution belge stipule en son article 24: "les écoles organisées par les pouvoirs publics offrent, jusqu’à la fin de l’obligation scolaire, le choix entre l’enseignement d’une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle". Le porte-parole de évêques estime par ailleurs "qu'il est bon que tout élève fréquentant l'enseignement public ait la possibilité de recevoir un cours de religion, comme l'ont ailleurs demandé une grande majorité des parents".
Le MR justifie sa proposition par un "choix du vivre-ensemble" sur fond de lutte contre les extrémismes religieux. "Les enjeux du vivre-ensemble sont aujourd'hui cruciaux: le renforcement de l'éducation citoyenne et l'approche socio-historique des faits religieux sont les meilleurs remparts contre les discours haineux, les fake news, les théories du complot, le rejet de l'autre et de la société", a déclaré le président du MR, Olivier Chastel, à Belga. La députée cdH Véronique Salvi défend la liberté de choix offerte aux élèves et accuse le MR de "s'assoir sur le Constitution". "Cette proposition contrevient au modèle actuel qui permet le meilleur équilibre favorisant le vivre-ensemble et permettant le respect de la liberté de choix, conformément à la Constitution", note la députée qui rappelle la volonté du parlement de la FWB d'organiser une évaluation du système.
Une organisation chaotique
La mise en place rapide et parfois précipitée du cours de citoyenneté a considérablement compliqué l'organisation des cours et le travail des directions. Les enseignants n'ayant pas le droit de dispenser un cours de religion et un cours de CPC dans un même établissement multiplient les écoles, les classes et les déplacements. Paul Verbeeren, Inspecteur pour le cours de religion catholique dans les écoles primaires du réseau officiel de la Communauté française a observé ce casse-tête: "Ce n'est pas simple. Des professeurs, qui autrefois étaient majoritairement dans une ou deux écoles, doivent maintenant aller dans cinq ou six écoles. L'année passée nous avons même rencontré des cas d'enseignants qui travaillaient dans quatorze écoles. Vous imaginez la difficulté pour faire partie d'une équipe pédagogique et pour collaborer avec les collègues." Virginie Matthys enseigne la religion catholique dans le secondaire à Gembloux et Louvain-la-Neuve. Invitée de l'émission "Il était une foi" sur la Première, elle témoigne de ses difficultés: "Avec la perte de la moitié de mon horaire, j'ai dû trouver d'autres établissements pour pouvoir y travailler." Virginie Matthys pointe également le regard porté sur les cours de religion: "dans l'Officiel, on sent une volonté de faire passer le cours de citoyenneté avant les cours de religion. (…) On veut faire passer nos cours dans la sphère privée".
DéFI, Ecolo et le PS s'étant exprimés dans le sens d'une extension du cours obligatoire de philosophie et de citoyenneté, l'avenir des cours de religion dans l'enseignement officiel apparaît de plus en plus fragile.
Manu VAN LIER