Un ancien instituteur primaire a fait le choix depuis des années de s’intéresser à la vie en prison. Par ses voyages, il connaît également les conditions de détention dans les établissements des cinq continents. Jan De Cock en témoignera lors des Journées nationales de la Prison, ce 25 novembre.
L’approche des fêtes de fin d’année (Saint-Nicolas et Noël) est toujours la période la plus dure à traverser aussi bien pour les détenus que pour leurs familles. Il est difficile d’imaginer un réveillon festif quand les convives savent pertinemment que l’un des parents ou des enfants séjourne en prison. De l’autre côté des barreaux, « la solitude fait souffrir malgré les initiatives que prennent les différents centres pénitentiaires« , ce que confirme Jan De Cock. Lui-même actif dans l’équipe pastorale de la prison d’Anvers, il a aussi visité de nombreux systèmes carcéraux à travers le monde. Il raconte à quel point le lien ténu entre l’extérieur et l’intérieur est précieux pour les détenus: « Je retrouve les cartes de vœux envoyées par les élèves d’une école, elles sont encore épinglées aux murs de la cellule au mois de juillet suivant. » Ces petits bouts de carton qui souhaitent maladroitement une belle nouvelle année jouent donc pleinement leur rôle de soutien moral des prisonniers.
La détention ne représente pas seulement une punition pour la personne derrière les barreaux. Elle touche de plein fouet sa famille. Jan De Cock évoque le choc qui est venu frapper un couple belge le soir d’un réveillon de Noël: « Ils ont appris que leur fils était emprisonné en Amérique latine. Dès le début, ils ont ressenti de la honte. » Dans une telle situation, cela devient difficile de répondre aux questions des voisins… Les parents ont commencé à limiter leurs déplacements et leurs sorties. « En plus, continue Jan De Cock, cette famille était confrontée à la barrière de la langue. Ils s’exprimaient très peu en anglais, encore moins en espagnol. » Comprendre la procédure judiciaire devenait extrêmement compliqué, surtout avec la distance qui les séparait. Avec l’aide de l’association Within-Without-Walls (WWW) fondée par Jan De Cock, ces parents ont pu faire traduire les documents et surtout être accompagnés dans la compréhension de ce qui arrivait à leur fils.
Respect des familles
Priver quelqu’un de liberté crée inévitablement des remous dans le reste de la structure familiale. Cela amène les proches ou le conjoint de la personne incarcérée à faire de longs déplacements, comme le constate Jan De Cock. « Pour venir à Anvers, certains partent du Limbourg ou de l’autre côté de la Belgique. Parfois, ces trajets ne servent à rien, s’il n’y a plus de place au parloir« , ajoute-t-il. Ne parlons même pas des situations de grèves dans les centres pénitentiaires telles qu’elles se sont produites l’année dernière: « Ce sont les pires situations pour les familles qui ne peuvent plus voir leur mari, leur femme ou leur enfant pendant le temps du conflit syndical. » Même en évoquant les lieux où une visite des enfants est prévue chaque mois, Jan De Cock tempère: « C’est trop peu! » Comment peut-on aider son enfant à faire ses devoirs scolaires à un rythme aussi espacé? Et partager avec sa fille ou son fils les bons et mauvais moments de la vie?
Ses trente ans d’expérience comme visiteur volontaire de prisons lui ont également permis de constater la rudesse de comportement (et de langage) de certains agents pénitentiaires à l’égard des familles. Bien sûr, les questions de sécurité impliquent des fouilles et certaines mesures. Mais « il y a une manière humaine d’accueillir ces personnes qui viennent d’attendre des heures durant sous le soleil ou sous la pluie » et on comprend à demi-mot dans les propos de Jan De Cock que certains gardiens profitent de l’occasion pour « briser le visage humain » de ces visiteurs. Pourtant, ni les conjoints ni les parents ou les enfants ne devraient être punis pour le crime commis par le détenu. L’Anversois a beaucoup voyagé dans le monde entier en choisissant « les prisons comme hôtels »*. Il cite l’exemple de la Slovénie: « Là-bas, un couple peut s’isoler pendant le temps d’un week-end pour préserver un peu de la vie familiale. Dans ce bungalow à l’écart, ils peuvent faire de la cuisine, préparer les devoirs pour l’école des enfants, etc. » Le respect dû aux proches du détenu devrait être considéré comme un droit humain, estime Jan De Cock. « Il arrive trop souvent, remarque-t-il, que ces quelques années passées en prison conduisent à l’éclatement de la famille »: Il faut maintenir un lien à travers les barreaux, mais aussi lutter contre les préjugés qui sévissent à l’extérieur.
Un nouveau monde
Revenons vers les parents dont le fils a été détenu en Amérique latine. « Peu à peu, ils ont surmonté ce qui a sans doute été le plus grand drame de la famille« , explique celui qui les a accompagnés. Cette évolution s’est faite progressivement. Il a d’abord fallu pourvoir aux besoins financiers du prisonnier, en lui envoyant l’argent nécessaire pour s’acheter de la nourriture et tout ce qui n’est pas fourni automatiquement dans les centres pénitentiaires de ce pays. Jan De Cock souligne: « C’est pour cette raison que les parents n’ont revu leur fils qu’au bout de deux ans d’attente. » Aujourd’hui, le père s’investit comme bénévole dans une maison d’accueil en Belgique pour essayer d’apporter à son tour un peu d’humanité dans le système. Les liens tissés pendant et après la détention sont précieux, ils peuvent expliquer une meilleure réinsertion des détenus. L’Anversois prend l’exemple du Brésil où « les familles sont incluses dans le processus de réhabilitation à la sortie des prisons. Les centres de détention sont plus petits, et proches des familles. Cela permet de diminuer le taux de récidive« , estime-t-il.
« Je ne comprends pas pourquoi nous, chrétiens, ne sommes pas davantage concernés par les personnes en prison« , insiste Jan De Cock. Il rappelle simplement cette parole de Jésus: « Quand tu visites un prisonnier, c’est moi que tu visites » (Matthieu 25, 39-45). L’Anversois souligne le fait que le Christ ne s’attache pas à la raison de l’emprisonnement, mais bien à la rencontre avec le prisonnier. Lui-même témoigne: « Après trente ans dans ce milieu carcéral, je suis devenu plus heureux. C’est tellement enrichissant de découvrir ce nouveau monde, plein de créativité! » Les détenus doivent en effet faire preuve de patience, mais aussi d’inventivité pour reconstruire leur vie. Les familles et la société peuvent les y encourager, si elles s’y intéressent.
Anne-Françoise de BEAUDRAP
* « Des prisons comme hôtels », livre de Jan De Cock, aux éditions Racine, février 2009, 416 pages.
Le 25 novembre, au cœur des Journées Nationales de la Prison, Jan De Kock donnera une double conférence ; à 10h à la salle verte du collège Saint-Michel (Bruxelles) et l’après-midi dans la prison de Saint-Gilles. Il emmènera le public en voyage vers la figure humaine des personnes détenues et de leurs familles.