M est l’histoire d’une bègue qui rencontre un analphabète. Ils veulent s’aimer. Mais pourront-ils communiquer malgré leur handicap?
Premier film réalisé par Sara Forestier, M raconte l’histoire de Lila, une jeune bègue complexée qui s’est réfugiée dans le silence. Sa vie bascule lorsqu’elle tombe amoureuse de Mo, un pilote kamikaze qui risque sa vie à chacune de ses courses automobiles clandestines.
Quasiment d’entrée de jeu, les protagonistes sont présentés avec leurs fragilités, leurs manques, leurs impasses. Lila (Sara Forestier) est bègue et c’est pour elle un tel handicap que cela la rend mutique. Elle est moquée par ses condisciples et bousculée par son professeur de français qui voudrait la voir exprimer verbalement ce qu’elle sait si bien « dire » par écrit. Et c’est justement par écrit qu’elle va communiquer avec Mo. Celui-ci, que l’on découvre dans des duels de kamikazes en voiture, va solliciter l’aide de Lila qui se trouve sur un banc. Elle ne peut rien exprimer, elle écrit et cela révèle au spectateur ce qui handicape le deuxième protagoniste du film: il ne sait pas lire.
On aura très vite compris que tout l’enjeu du film réside dans cette impossibilité de communiquer. Thème intéressant à l’heure où les médias sociaux nous font découvrir et apparaître comme des êtres essentiellement « communicants ». Et c’est tout l’enjeu du film de mettre l’accent là où cela fait mal: le déficit de l’un, la carence de l’autre. Malgré cela, quelque chose va les lier, les relier, comme si l’impossibilité de s’exprimer et de comprendre amenait l’un et l’autre à aller au-delà des mots pour se découvrir.
Confrontés à leurs limites
Les deux protagonistes sont ainsi confrontés à leurs limites: Lila, avec sa jeune sœur et son père; Mo avec ses potes de courses clandestines. Lila et Mo, dans leur relation qui ne peut s’exprimer comme ils le voudraient. Lila, poussée à concourir et tentée par l’abandon; Mo qui est confronté dans son quotidien à son analphabétisme: qu’il s’agisse de lire un menu dans un restaurant, une commande dans une cuisine ou, simplement, un SMS sur un Smartphone… Plus encore que le bégaiement, c’est la dure réalité de ceux, encore trop nombreux, qui sont analphabètes dans nos pays. Un handicap honteux qui empêche de communiquer.
Lila et Mo parviendront-ils à dépasser ce qui les empêche de s’exprimer et les lie entre eux? Pourront-ils se trouver? Construire un avenir? Apprendre à parler alors que les mots ne sortent pas; lire ceux qui sont couchés sur le papier? Quelles images ont-ils chacun d’eux-mêmes et de l’autre? Que veulent-ils? Etre en « représentation » de ce qu’ils ne sont pas ou accepter leurs fragilités pour les dépasser et vivre l’un avec l’autre, l’un pour l’autre?
Charles DE CLERCQ
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