Séduites par la spiritualité du « poverello » et la beauté d’un itinéraire au plus près de la nature, quatre pèlerines poursuivent l’aventure entamée en 2012 à La Cordelle de Vézelay (Bourgogne), première mission franciscaine.
Après le Morvan, le Beaujolais, le Bugey, la Grande Chartreuse et les Alpes, nous rejoignons en voiture Suze en Italie, là où nos pas se sont arrêtés en septembre 2016.
A quelle bénédiction sommes-nous appelés cette année? Nous laissons résonner l’appel des initiateurs du chemin d’Assise en chantant « Marie, la première en chemin, qui nous entraîne à risquer notre ‘oui’ aux imprévus de Dieu« .
Les imprévus de Dieu, ces cadeaux, ce sont d’abord les rencontres avec nos hôtes du chemin. Comme ces deux couples bourguignons, chez qui nous faisons halte avec une joie profonde lors de chacun de nos pèlerinages. Ou encore Françoise, la courageuse dame plantant des choux avec sa béquille, que nous allons embrasser au passage aux portes de la Vanoise. Il y a aussi la grâce désormais incontournable de Taizé où nous confions sur la tombe de Frère Roger, notre avancée, cuvée 2017.
Tourner les yeux
« La sainteté est d’abord un vide que l’on découvre et que l’on accepte et que Dieu vient remplir dans la mesure où l’on s’ouvre à sa plénitude« , nous partage Eloi Leclerc, l’un des meilleurs biographes de François d’Assise, dans notre méditation du jour. En nous désencombrant, le pèlerinage favorise ce décentrement.
12 septembre: Ceresole d’Alba – Guarene (23 km). Laissant les grandes industries et les plaines fertiles autour du Pô, nous montons vers les jolis villages piémontais, truffés d’églises, rehaussés de tours médiévales ou de châteaux. Sous une température qui grimpe également: 31°C.
Nous marchons en faisant l’expérience « d’écouter et comprendre, sans rien rejeter, sans rien troubler, humblement et dans le plus grand respect, en faisant silence en soi-même ». Ecouter la chanson du vent. “Pauvre entre les pauvres, François ne gardait rien pour lui. Il semait et il passait. Sans s’inquiéter où cela pouvait tomber, sans rien savoir du fruit de son travail« .
La providenza
A Guarene, la propriétaire de la maison louée a la gentillesse de reconduire le chauffeur de la voiture-balai au point de départ de l’étape, soit plus d’une heure de trajet aller-retour. Le comble, les clés du véhicule sont restées dans notre logement; la nuit ne va pas tarder, les pèlerins n’ont qu’une envie, se doucher et se restaurer, mais pas de bagages!
Saint-François veille: nous allons nous régaler d’un repas des plus raffinés dans un restaurant de la place concocté par des hôteliers au grand cœur. Et cerise sur le gâteau, au pied levé, Luca, leur fils me reconduit jusqu’au véhicule avec un grand sourire. Alléluia!
Dans les vignes du Seigneur
Alors que nous escaladons les coteaux à perte de vue dans la région d’Alba, en méditant sur « Cherchez le Royaume, et le reste vous sera donné de surcroît », nous n’arrêtons pas de grapiller des raisins, glaner des noisettes – au pays de Nutella -, des figues, des noix, des poires, des pommes, et bientôt des amandes. Comme si la parole semée portait littéralement du fruit et en abondance.
De vigne en vigne, tel pourrait être le slogan du chemin, depuis la Bourgogne, vu son tracé. Contemplant les vignobles des Langhe-Roero et Monferrato qui sculptent les paysages classés au patrimoine mondial, nous laissons résonner la louange de Michel Lamarche, dans ses savoureuses « Petites dégustations spirituelles sur le chemin d’Assise »: « Tu es là, Seigneur, dans ces splendides montagnes autant que dans la friche de mon cœur humain. Toute la Création exhale la bonté et la beauté de ta Présence. »
15 – 17 septembre – la maison du Bon Dieu.
Un étroit ruban de bitume serpente longuement la montagne jusqu’à une maison isolée, la Casa dei Pensanti. « Moi, c’est l’ouragan Irma« , clame avec un large sourire celle qui nous accueille chaleureusement, rejointe par Roberta, Anna et d’autres membres de la communauté fondée par Andrea Gallo, un homme hors normes, appelé « le prêtre des trottoirs ».
Le lendemain, jour de repos pour nous, nous avions prévu de regarder le film « l’ami » sur François d’Assise. Mais c’est un ami en chair et en os, un Francesco d’aujourd’hui, en la personne du responsable de la maison, qui nous fait le plaisir de venir partager notre table. Ricardo nous parle de leur fraternité aujourd’hui composée de laïcs, de diverses croyances ou religions, et de leur engagement à Gênes auprès des marginaux et des toxicomanes, dans une pédagogie de la confiance et de la mise en liberté. Une voie aussi édifiante qu’éprouvante!
Entre montagnes et mer
Dans les montagnes arc-boutées autour du golfe de Gênes, la nature se fait sauvageonne. Sur des sentiers bordés de bruyères, de chênes, de hêtres, de genévriers ou encore de châtaigniers, les cailloux deviennent de plus en plus gros. Au fil de notre ascension, la Méditerranée se dévoile, laissant entrevoir l’un ou l’autre bateau au loin.
Un jeu de piste commence pour trouver nos balises raréfiées ou en contradiction avec le topoguide. Nous tournons en rond sur un sommet avant de trouver le passage vers Campo Ligure. Au même endroit qu’en son temps, l’écrivain pèlerin M. Lamarche, qui, une fois remis sur les rails, confie son sentiment renforcé d’être dans la main de Dieu.
Ce ressenti, nous le vivons dans l’aide et l’hospitalité de Luca et Sabrina, qui ont redonné vie à une ferme dévastée pour y cultiver bio et accueillir les touristes. Mais pas question pour eux de faire du business avec les pèlerins du « chemin de paix », à qui ils ouvrent grand les portes de leur cœur. Que de bons souvenirs à leur table ou sous la treille! De cette famille ouverte, à l’écoute, ne ménageant pas ses peines, émane « le bon goût de Dieu, qui réjouit les papilles de l’âme », pour reprendre les mots de notre ami pèlerin. C’est promis, nous les recevrons en Belgique, cet hiver.
L’étape la plus ardue nous attend: Passo dei Giovi est à 23 km, 8h de marche vu le dénivelé. En cas de brouillard ou de pluie, s’aventurer au bord de pentes abruptes est déconseillé.
Ce 20 septembre, tout baigne, frère soleil continue à être de la partie et les pèlerines en grande forme ont chaussé leurs bottes de sept lieues, les yeux grands ouverts. De gracieux papillons Melissa bleus déploient leurs charmes sur des bruyères parmes, les colchiques frémissent. Plus loin, un troupeau de vaches contemple des panoramas somptueux depuis les sommets enneigés des Alpes jusqu’à la Méditerranée. Notre dernière marche se poursuit sur les crêtes de l’Alta via (voie haute) dominant bientôt Gênes. Nos yeux se rincent de beauté.
Notre avancée silencieuse surprend un brocard six pointes, qui bondit à quelques mètres. A flanc de montagne, surgissent deux buses, qui prennent à tour de rôle leur envol pour scruter l’horizon, faisant résonner leurs sifflements.
Le soir, sous la houlette de Dom Paolo, la paroisse d’Orero s’est mobilisée pour nous recevoir avec un accueil en famille, une eucharistie soutenue par la chorale, et des pizzas partagées tous ensemble. « Chante alléluia au Seigneur! »
Béatrice PETIT © Photos
Relire l’étape précédente:
« Un chemin de paix, de rencontres, de fraternité avec la nature »
• Depuis Vézelay jusque Assise, 1.500 kilomètres balisés – a minima – par le Tau de Saint-François, surmonté d’une colombe.
Notre pèlerinage
• Initié en 2011 dans la foulée des marches-prières organisées par le Centre spirituel ND de la Justice, il se poursuit aujourd’hui de façon autonome
• Du 10 au 23 septembre 2017: 10 jours de marche (de 20 à 25 kilomètres/jour), 4 jours de trajet.
Avec une voiture-balai, qui rejoint chaque soir l’étape pèlerine
• Texte autour de la spiritualité franciscaine proposé à la méditation
silencieuse le matin, suivi de temps de prière, de partage et de rencontres conviviales.
• Du 16 au 30 septembre 2018, nous poursuivrons en Toscane.
Bienvenue à ceux qui souhaitent vivre l’expérience précédée de deux we préparatoires! Bonne condition physique indispensable.
Infos: paule.berghmans@skynet.be et petitbeatrice@yahoo.fr. Tél. 02/762 25 32 – 0486/49 61 92