Une entreprise peut interdire les signes religieux au travail


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Une entreprise peut interdire les signes religieux au travail
Par Pierre Granier
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
3 min

Pour la première fois, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) était appelée à se prononcer sur le port du foulard islamique en entreprise. Ce mardi elle a rendu son arrêt sur la question, estimant qu'une entreprise pouvait interdire, s'il n'y a pas discrimination, le port de signes religieux.

Saisie d’une question préjudicielle, la CJUE devait donc donner son avis sur deux affaires, l'une belge, l'autre française, au caractère similaire mais dont les conclusions allaient dans le sens contraire. Dans l'affaire belge, il s'agissait d'une employée ayant travaillé comme réceptionniste à la société G4S Secure Solutions, dont le règlement interdit de porter sur le lieu de travail "des signes visibles de leurs convictions politiques, philosophiques ou religieuses ou d’accomplir tout rite qui en découle". Cette employée qui souhaitait porter le voile a alors été licenciée. Elle a poursuivi son employeur pour discrimination, mais a été déboutée en première instance comme en appel. Soutenue par Unia, le centre interfédéral de l'égalité des chances, et le gouvernement (malgré l'opposition de plusieurs partis de l'actuelle majorité), la jeune femme a saisi la Cour de cassation belge. Cette dernière a alors demandé à la CJUE si le règlement de travail interdisant le port du voile dans l'entreprise pouvait être considéré comme une discrimination directe. "Non" a répondu en substance la Cour européenne qui a donc donné raison à la justice belge La CJUE a ainsi suivi les conclusions de l'avocate générale qui avait jugé l'an dernier que les sociétés devaient pouvoir proscrire le port du foulard à condition que d'autres symboles soient interdits. Elle avait également recommandé que les entreprises examinent la compatibilité entre la visibilité de tels symboles et les activités de l'employé concerné.

Respect de la neutralité

Dans son arrêt, la Cour constate que la règle interne de G4S s'applique au port de signes convictionnels quels que soient la religion ou les convictions politiques. Elle n'instaure dès lors pas de différence de traitement directement basée sur la religion.
Mais il "n'est toutefois pas exclu que le juge national puisse arriver à la conclusion que la règle interne instaure une différence de traitement indirectement fondée sur la religion", si l'obligation en apparence neutre aboutit en fait à un désavantage particulier pour les personnes adhérant à une religion particulière.
Cette discrimination peut cependant être justifiée par un objectif légitime, par exemple la volonté de l'employeur d'appliquer une politique de neutralité politique, philosophique et religieuse dans ses relations avec ses clients. La CJUE renvoie à la Cour de cassation la responsabilité de vérifier que les moyens mis en place pour réaliser l'objectif légitime sont appropriés et nécessaires.

Arrêt de référence

Cette décision de principe servira désormais de référence pour les entreprises privées de l’ensemble de l’Union. Mais, chaque juge national garde une marge d’appréciation, en particulier pour examiner la légitimité de l’objectif de neutralité qu’invoquerait une entreprise pour interdire à ses salariés le port de signes religieux. Il en va différemment pour les entreprises publiques. En France et en Belgique, les agents de l’Etat sont tenus strictement de respecter le principe de neutralité.

Catégorie : International

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