RD Congo : impasse dans les négociations


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RD Congo : impasse dans les négociations
Par La rédaction
Publié le - Modifié le
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L’accord de la Saint-Sylvestre, destiné à éviter une grave crise politique à la suite du report des élections, devait être complété le 28 janvier au plus tard par des "arrangements particuliers" entre l’opposition et la majorité présidentielle, aidés de la Conférence épiscopale congolaise (CENCO). Face aux blocages persistants, les évêques ont plié bagage, laissant toutefois une porte ouverte, comme nous l’explique leur porte-parole, l’abbé Donatien Nshole, résolument optimiste.

A onze mois de la nouvelle échéance électorale, plusieurs points font encore débat: la mission des évêques dans le suivi des accords, la date de l’entrée en fonction du futur gouvernement, la répartition des portefeuilles ministériels et surtout le mode de désignation du Premier ministre. Pourtant, à ce sujet, l’accord du 31 décembre était clair. L’article III.3.1 stipulait que le Premier ministre serait présenté par le Rassemblement de l’opposition (NDLR: dirigé par Etienne Tshisekedi) et nommé par le Président de la république conformément à l’art.78 de la Constitution. L’ensemble des opposants avait opté pour Felix Tshisekedi, le fils du célèbre patriarche. Mais le camp présidentiel a fait marche arrière, exigeant que cinq noms soient soumis au choix du chef d’Etat. Une ligne rouge infranchissable aux yeux de l’opposition, qui avait déjà fait des concessions importantes notamment sur le nombre de ministres attribués à chaque composante.

Les évêques s’envolent cette semaine pour une formation à Genève. Dans quel état d’esprit avez-vous quitté le Centre diocésain, après des semaines et des nuits de négociations interminables?

Tout n’est pas perdu. Il y a encore moyen de trouver un compromis en deux ou trois heures. Les parties s’y sont engagées, elles poursuivront les tractations sans nous. Nous rentrerons au pays le 7 février et attendrons un signal de leur part.

Selon l’opposition, le Président semble camper sur ses positions. Vous gardez espoir?

Personne n’a intérêt à ce que cela capote. Nul ne veut porter la responsabilité d’un échec.


Le 28 janvier, date butoir, les évêques ont attendu toute la journée le rendez-vous demandé chez le président Kabila, qui invoquait l’expiration de votre mandat.

Ce n’était pas un refus: le Président avait d’autres urgences. Notre mandat doit être clarifié au niveau du comité de suivi des accords que les évêques sont disposés à accompagner, comme autorité morale si nécessaire, non comme membres effectifs. Cependant, l’ensemble de l’opposition comme la société civile nous supplient de poursuivre notre mission. Ce qui exigerait un mandat, auquel la majorité présidentielle est réticente.

Le nombre de ministres annoncés ne fait que croître, avec 53 minimum. Pourtant, tous les participants aux négociations s’étaient mis d’accord pour un maximum de 40 à 50.

Effectivement, certaines parties prenantes ont fait des concessions, auxquelles nous n’étions pas favorables. La majorité présidentielle estime maintenant que les quatre ministères régaliens - Défense, Justice, Affaires étrangères et Intérieur - sont hors quota et lui reviennent. De son côté, la société civile est frustrée de ne pouvoir avoir que deux représentants au gouvernement. Reste aussi la délicate répartition des portefeuilles ministériels. Comme les mines, autre ministère très convoité.

Le G7, une des composantes de l’opposition, dit craindre une "stratégie d’enlisement" du compromis dégagé par la CENCO et une "manœuvre dilatoire qui viserait à engager dans un nouveau glissement". Tandis que d’autres évoquent ouvertement l’intention prêtée à Joseph Kabila d’un référendum. De bonne source, certains de ces émissaires seraient même venus solliciter un appui dans ce sens auprès des chancelleries occidentales. Serait-ce une mauvaise plaisanterie?

Sans doute, car l’idée du référendum n’a jamais fait partie du discours officiel, ni été avalisée officiellement.

Qu’a-t-il été décidé au niveau de la CENI (Commission électorale nationale indépendante), contestée pour sa trop grande proximité avec le pouvoir, ses retards dans l’enrôlement et ses budgets exorbitants?

Il y aura un audit. Seules les diverses confessions religieuses sont habilitées à demander le remplacement du président, ce qui n’a pas été fait.

L’accord du 31 décembre prévoyait des "mesures de décrispation politique", dont la libération de prisonniers politiques, le réexamen du dossier judiciaire de Moïse Katumbi par la CENCO, ex-Gouverneur du Katanga et la réouverture de divers médias. Le signal de RFI est toujours coupé et Human Rights Watch demande la libération d’encore 167 prisonniers d’opinion. Où en est-on au juste?

Il y a eu des libérations. La CENCO n'est pas saisie officiellement de la comptabilité. Quant au cas emblématique de Moïse Katumbi, nous avons mis en place une commission.

Que répondez-vous lorsqu’on reproche aux membres de la Conférence épiscopale d’être trop bons?

Ce n’est que normal. La patience paie. Les évêques n’ont pas de formation professionnelle dans le domaine politique, ils agissent avec leur sens pastoral. Le plus dur pour nous, ce sont les lignes rouges, lorsque les uns ou les autres se cabrent.

Quelques mots au sujet de l’implication du pape?

Le pape est engagé via le nonce apostolique, qui n’a pas raté un jour à nos côtés à la table des négociations, relayant ainsi la sollicitude du Saint-Père. Un membre de la communauté Sant’Egidio avait aussi rejoint l’équipe technique pour nous aider.

Propos recueillis par Béatrice PETIT

Catégorie : International

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