A propos de la virginité de Marie…


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A propos de la virginité de Marie…
Par La rédaction
Publié le - Modifié le
7 min

Il n’est pas rare, lors d’une retraite dans un monastère par exemple, qu’un adolescent explique que "le dogme de la virginité de Marie, cela fait bloquer la foi de beaucoup d’autres jeunes". Que faut-il en penser? Cette question n’intéresse pas que les grands enfants…

Précisons tout d’abord que la virginité de Marie n’est pas un dogme. Ce mot ‘dogme’ fait parfois peur et tout figer. C’est au Concile du Latran de 649 (plus de six-cents ans après la vie terrestre de Jésus avec Marie!) que l’Eglise affirma que Marie est demeurée vierge. Mais "cette conviction ne sera jamais érigée en dogme"(1). C’est pourtant une affirmation importante de la foi catholique. Pourquoi? Découvrons cela pas à pas.

Un genre littéraire étranger au journalisme

Il faut se rappeler pour commencer que les récits bibliques en général et les évangiles en particulier, spécialement les récits de l’enfance de Jésus, ne sont pas des textes descriptifs à caractère journalistique ou historique (au sens d’une description du déroulement de faits observables). Il s’agit au contraire d’une "réflexion théologique présentée sous la forme d’une histoire tissée d’allusions et de citations de la Bible et enrichies de données parfois légendaires. De tous les textes des évangiles, [les textes de l’enfance de Jésus] sont sans doute ceux dont le fondement historique est le moins assuré (…) Les spécialistes s’accordent pour dire qu’on ne peut pas se baser sur ces textes pour obtenir des renseignements à propos de l’enfance de Jésus". (2)

La virginité de Marie concerne d’abord Jésus

Il s’agit, en effet, d’une réflexion théologique présentée sous forme d’une histoire. Quelle est donc la réalité théologique essentielle qui est dévoilée dans ce récit présentant la virginité de Marie? Il concerne non pas d’abord Marie, mais bien Jésus. En effet, le récit veut affirmer que l’enfant Jésus est réellement Dieu qui se fait homme, Dieu le Fils (et si on inverse les mots: le Fils de Dieu). Dieu est en même temps le Créateur, le Maître de l’univers, le Tout-Puissant en amour et donc le Père de tous les humains, le Tout-Autre… Mais en Jésus, Dieu se fait également le tout proche, l’Emmanuel déjà révélé en Is. 7,14. Jésus est de la même nature que le Père. Il vit et est animé du même Esprit. "Le Saint-Esprit viendra sur toi, Marie, et la puissance de Dieu te couvrira de son ombre" (Lc 1,35). Autrement dit, l’Eglise affirme que Jésus n’est pas seulement un homme formidable qui fait penser à Dieu, il est Dieu lui-même qui s’est fait homme grâce au fait que Marie a accepté d’être sa maman et de le faire naître dans notre monde des humains.

Relire le Nouveau Testament en écho à l’Ancien

La réflexion théologique contenue dans les récits de la naissance de Jésus, dans les évangiles de Luc et de Matthieu, qui affirme donc la réalité de la nature divine de Jésus, fait écho à ce que l’Ancien Testament annonçait déjà, c’en est une relecture chrétienne: la venue du Messie, du Sauveur! Voici quelques textes de cette annonce: "La jeune femme va être enceinte et mettre au monde un fils. Elle le nommera Emmanuel, Dieu-avec-nous." (Is 7,14); "Le peuple qui marchait dans la nuit a vu se lever une grande lumière (…) Car un enfant nous est né." (Is 9,1 et 5); "Que le ciel se réjouisse, que la terre s’émerveille (…) que la campagne soit en fête (…) devant le Seigneur, car il vient." (Ps 96); "Le Seigneur de l’univers déclare: Je viendrai au milieu de vous." (Mal 3,5); "De toi Bethléem, dit le Seigneur, je ferai sortir celui qui doit gouverner en mon nom le peuple d’Israël (…) au moment où la femme qui doit être mère aura un fils." (Mich 5,1-2); etc.

Toujours en rapport avec l’Ancien Testament, les textes de la naissance de Jésus sont également écrits pour faire écho à l’enfance de Moïse. Deux exemples: Moïse échappe au massacre des enfants hébreux décrété par Pharaon. Jésus échappe à celui d’Hérode. Moïse doit fuir la colère de Pharaon. Jésus connaîtra la fuite… précisément en Egypte. "On saisit clairement l’intention de Matthieu, en moulant les débuts de Jésus sur ceux de Moïse: il veut présenter Jésus comme le nouveau Moïse, messager de la loi nouvelle (Sermon sur la Montagne en Mt 5, 5 – 7) et sauveur du peuple." (3) Moïse, en effet, avait apporté au peuple la loi de Dieu, les fameux Dix Commandements (Ex 20,1-18).

Mais au fait, qu’est-ce qui explique ces rapports de la vie de Jésus dès sa naissance à l’Ancien Testament? Le regretté professeur Vermeylen écrivait ceci: "Impossible de comprendre Jésus sans lire et relire les Ecritures (comprenez l’Ancien Testament). Inversement, la rencontre de Jésus-Christ induit une compréhension renouvelée de l’ensemble du Livre." (4) "N’allez pas croire que je suis venu abroger la Loi ou les Prophètes: je ne suis pas venu abroger mais accomplir." (Mt 5,17).

Les récits de conceptions extraordinaires dans l’Antiquité

Les textes bibliques, a-t-on écrit plus haut, sont également enrichis de données légendaires. C’est tout à fait normal d’écrire ainsi dans l’Antiquité. Et c’est à l’évidence le cas pour les récits de la naissance virginale de Jésus. Il faut bien entendu se rappeler que les évangiles selon saint Matthieu et saint Luc ont été composés aux environs de l’année 80 (soit 50 ans après la mort et la résurrection de Jésus, mais au cœur de l’Antiquité, période allant de l’origine des temps historiques jusqu’à la chute de l’Empire romain en 476 après Jésus-Christ).

A cette époque, en effet, "les récits de conceptions extraordinaires sont bien connus dans la littérature ancienne: égyptienne, grecque, romaine et juive. Ils appartiennent à un genre littéraire auquel on recourt pour marquer la grandeur d’un personnage." (5) Ce qui est évidemment le cas pour Jésus.

La virginité mariale n’est pas gynécologique

Il est clair que ce qui se joue là concerne le mystère de l’Incarnation, de la nature de Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur, et non une curiosité mal placée qui ne sera jamais vérifiable, au demeurant, concernant l’intimité du couple Marie-Joseph. "Le propos de l’Eglise, à travers cette affirmation, n’est pas de décrire une réalité gynécologique mais bien de comprendre Marie dans le mystère du Christ." (6) Il s’agit, rappelons-le encore une fois, d’affirmer que Jésus est bien Fils de Dieu, c’est-à-dire de nature divine. "Il est réellement Dieu et réellement homme (…) il est Fils de Dieu et fils de l’homme." (7)

De manière surprenante pour certains, c’est le théologien Joseph Ratzinger (futur pape Benoît XVI) qui va même plus loin lorsqu’il écrit: "La filiation divine de Jésus ne repose pas d’après la foi de l’Eglise, sur le fait que Jésus n’a pas eu de père humain; la doctrine de la divinité de Jésus ne serait pas remise, si Jésus était issu d’un mariage normal." (8) Il faut bien noter que Joseph Ratzinger ne suppose pas non plus que cette union physique a eu lieu. Il affirme que la question ne se situe absolument pas à ce niveau. Les meilleurs exégètes sont d’accord avec lui: "Notre propos n’est pas de spéculer ici sur les intentions que Marie aurait pu avoir de garder la virginité, voire du vœu qu’elle aurait pu émettre. C’est maintenant que le Seigneur agit par la puissance de l’Esprit-Saint." (9) Nous pouvons accueillir et vivre cette réalité aussi (le Seigneur qui agit par la puissance de l’Esprit dans notre aujourd’hui), à la manière pleine de confiance de Marie… et grâce à la question de nos grands enfants!

Luc Aerens

(1) Charles-Eric Haugel, 50 Clés pour comprendre Marie, Paris, Ed. Bayard, Revue Pèlerin Hors-série, p. 22.

(2) Charles Delhez et Jacques Vermeylen, Le Jésus des chrétiens, Namur, Ed. Fidélité, 2006, pp. 56-57.

(3) Odette Mainville, La conception de Jésus et le monde des conceptions extraordinaires, dans La Bible et sa culture. Tome 2 – Jésus et le Nouveau Testament, Paris, Ed. Desclée de Brouwer, p. 66.

(4) Jacques Vermeylen, 10 clés pour entrer dans la Bible, Paris, Ed. du Cerf, 1999, p. 203.

(5) Odette mainville, op. cit., p. 61.

(6) Charles-Eric Haugel, op. cit. p. 22.

(7) Karl Rahner et Herbert Vorgrimler, Petit dictionnaire de théologie catholique, Paris, Ed. du Seuil, 1970, pp. 238-239.

(8) Joseph Ratzinger, Foi chrétienne hier et aujourd’hui, Paris, Ed. Mame, 1969, p.192.

(9) Philippe Bossuyt et Rean radermakers, Jésus, Parole de la Grâce selon saint Luc, Bruxelles, Ed. Institut d’Etudes Théologiques, 1981, p. 103.

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