La semaine dernière, Pateh Sabally, un jeune homme de 22 ans s’est noyé dans le Grand canal à Venise. Il semble qu’il ait voulu mettre fin à ses jours. Un fait divers tragique, mais qui fait hélas, partie des évènements de la vie. Cela aurait pu être une information triste et, hélas, banale. Mais, le jeune homme était un réfugié gambien, qui avait obtenu l’asile en Italie en 2015 et n’avait pu, depuis, trouver un travail. Ce qui heurte – et le mot est faible –, est que cette noyade s’est déroulée sous le regard de centaines de passants et touristes, en pleine journée. Pire, certains ont filmé le drame, tandis que d’autres auraient lancé des quolibets racistes. Sordide, terrifiant, bouleversant… Quel adjectif peut qualifier cette tragédie? Des centaines de "spectateurs" et… pas une main qui se tend! Des bouées ont bien été lancées au jeune en détresse, qui n’a pu les attraper, mais aucune embarcation présente sur le Grand canal, artère principale de la Cité des Doges, n’a fait un détour pour lui porter secours. Or, l’eau était à 5°, une température qui provoque rapidement l’hypothermie. Plutôt que de lui jeter des bouées, il aurait donc été plus judicieux – et plus courageux – de tenter de le saisir pour le tirer des flots.
Plusieurs questions me taraudent. Inconscience des gens sur les risques de mort qu’encourait ce pauvre garçon? Ou indifférence face à la détresse d’un… étranger?
Notre société en serait-elle arrivée à un tel point de "voyeurisme", de "repli sur soi" et de "rejet de l’autre", qu’elle ne serait plus en mesure de faire le geste élémentaire pour sauver un être humain, un frère dans le Christ? Les discours démagogues et identitaires ont-il à ce point, déjà, pollué la vision que nous avons de la vie? Ce jeune Gambien a été abandonné de tous et son rêve d’un monde meilleur, d’une vie plus décente, s’est englouti, non dans la Méditerranée comme des milliers d’autres, mais dans un canal prisé des touristes et sous les yeux des badauds.
Aucune attention, ni dans l’accueil de ce garçon symbolisant la misère humaine ni dans sa mort. Dès lors, une question lancinante revient: et si Pateh Sabally avait été Européen et blanc?
Ce drame nous invite à rester vigilants, à condamner fermement les propos racistes, démagogues, identitaires proférés par certains. Le monde traverse une grave crise. Il ne suffit pas seulement de s’indigner, mais de réfléchir au sens que nous voulons donner à nos actions, au monde que nous voulons laisser en héritage aux générations futures.
Jean-Jacques Durré
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