Un intéressant colloque réunissait hier soir le Grand rabbin de Belgique, Mgr De Kesel, et le Pasteur Steven H. Fuite. Il a notamment été question de « judaïsme à l’intérieur du christianisme » et de « dialogue comme devoir ».
Le Grand rabbin de Bruxelles, Albert Guigui, a appelé le pape François à se prononcer sur la résolution controversée de l’Unesco par rapport à Jérusalem. « Si le monde accepte cette nouvelle forme de négationnisme, qui nie le lien entre le Mont du Temple et Israël, les chrétiens eux aussi seront spoliés de leur histoire. » Car si une conclusion peut bien être dressée après le colloque intéressant qui réunissait le Grand rabbin hier soir à la Grande Synagogue de l’Europe à Bruxelles avec le Primat de l’Eglise catholique belge, le cardinal Jozef De Kesel, et le président de l’Eglise Protestante Unie de Belgique, le Pasteur Steven H. Fuite, c’est bien celle-ci: « Le judaïsme n’est pas extérieur mais intérieur au christianisme » (d’après Saint Jean-Paul II).
Pour comprendre à quel point «notre dialogue est un devoir», le Grand rabbin avait invité les auditeurs à relire attentivement le verset 8 du chapitre 4 du Livre de la Genèse. « Cependant, Caïn adressa la parole à son frère Abel; mais, comme ils étaient dans les champs, Caïn se jeta sur son frère Abel, et le tua » (traduction de Louis Segond) « Quelle est cette parole que Caïn adresse à son frère? » a demandé Albert Guigui. Il n’a rien dit. « Le premier crime de l’humanité, c’est le non-dialogue », a rappelé le Grand rabbin de Belgique. « Tant qu’on est autour de la table, tout est possible; mais le non-dialogue mène à la mort. Dieu par contre appelle sans cesse au dialogue. Où es-tu? dit-Il à Adam. Et où est ton frère? demande-t-Il à Caïn. »
Les expressions « judaïsme à l’intérieur du christianisme » et « dialogue comme devoir » avaient été lancées dans le débat par Mgr Jozef De Kesel. « Le christianisme ne peut pas se positionner sans le judaïsme », a-t-il rappelé, en répondant à quelques questions périlleuses sur les différences entre christianisme et judaïsme que « notre attente messianique n’est peut-être pas la même – les Juifs attendant le Messie et les Chrétiens le retour du Messie – mais nous nous retrouvons dans l’attente et dans l’espérance qu’elle inclut. » Par ailleurs, le Cardinal a pointé que « toutes ces déclarations ne remplacent pas les rencontres, les amitiés et les intuitions partagées de notre partenariat croissant » en donnant l’exemple du sabbat et du repos du dimanche « qui libèrent l’homme des contraintes de l’économie et le rendent à Dieu ».
L’antisémitisme de Luther condamné
Comme thème de son sixième colloque, le groupe ‘Juifs et Chrétiens, engageons-nous’ avait en effet choisi quelques déclarations sur le dialogue judéo-chrétien de fin 2015: un texte de penseurs juifs de France, une déclaration sur le christianisme d’une cinquantaine de rabbins orthodoxes et la réflexion théologique de la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme du Vatican à l’occasion du cinquantième anniversaire de Nostra Aetate. A ces documents s’est ajoutée hier soir une déclaration supplémentaire: dans une lettre au Président du Consistoire Central Israélite de Belgique, Maître Philippe Markiewicz, l’Eglise Protestante Unie de Belgique a rejeté formellement les propos sur les Juifs du réformateur Martin Luther qu’ils commémorent l’année prochaine.
Le Pasteur Steven H Fuite a parlé d’une « très regrettable partie » de l’histoire de la Réforme. « Bien que le débat scientifique se penche sur le lien de causalité possible entre les déclarations de Luther, consignées notamment dans son pamphlet Von den Juden und ihren Lügen (‘Les Juifs et leurs mensonges’), et les formes ultérieures d’antisémitisme dans les milieux protestants, nous souhaitons nous distancier clairement des paroles de Luther et nous voulons vous l’exprimer distinctement ainsi qu’à nos semblables », a déclaré le Pasteur Steven H. Fuite, en promettant à Maître Philippe Markiewicz que « comme deux présidents d’un culte minoritaire, nous [continuons à] nous engager corps et âme à lutter contre la discrimination, le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. »
Benoit LANNOO
Photo: Derrière Maître Philippe Markiewicz, Président du Consistoire Central Israélite de Belgique, le Pasteur Steven H. Fuite, le Cardinal Jozef De Kesel, le Grand rabbin Albert Guigui et le modérateur du colloque, le Professeur Thomas Gergely de l’Université Libre de Bruxelles (de gauche à droite) – © Arthur Volponi
Le courrier de l’EPUB au consistoire central israelite de belgique