La victoire de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis est un fameux camouflet pour tous les experts; politologues, analystes, journalistes et instituts de sondages. Une fois de plus, comme pour le "Brexit", ils se sont lamentablement fourvoyés. Cela doit nous conduire à nous remettre en question. A force de considérer comme presque acquises les prévisions de tous "ceux qui savent", on ne voit pas arriver le "tsunami". L’Amérique a donc un nouveau président. Pour l’instant, impossible de savoir aujourd’hui quel type de chef d’Etat sera celui qui, durant la campagne, a multiplié provocations et propos outranciers et qui se révèle avant tout comme un populiste raciste prônant le repli sur soi et l’individualisme. Face au choix déconcertant des Américains, on se consolera en rappelant que la rivale démocrate a obtenu plus de voix que l’élu, car le système électoral au pays de l’Oncle Sam, très compliqué, est à cet égard injuste. Néanmoins, cela rassure de savoir que les Américains ont porté plus largement leur choix sur celle qui prônait une vraie solidarité et non sur celui qui entend stigmatiser de larges pans de la société. Un bémol toutefois: seuls 52% des Américains se sont déplacés. Et cette désaffection, que l’on connaît aussi en Europe dans les pays où le vote n’est pas obligatoire, est interpellant. Elle est, selon moi, le signe d’une fracture entre la société et le monde politique, le fait que la première n’attend plus rien du second.
Dès lors, on doit retenir une chose de ce scrutin américain: lorsque les populations sont désespérées, touchées au plus profond de leur être par le chômage, l’exclusion, la peur de l’Autre, la crainte face aux défis qui se posent au monde, il n’est guère difficile des les rallier à une cause basée sur le "moi d’abord". Tous les populistes, quel que soit leur bord, utilisent cette tactique. Or, au sein de l’Union européenne, cela semble aussi avoir tendance à s’étendre. Le "Brexit" en est l’exemple évident.
Cette élection est donc une leçon pour les pays démocratiques, voire l’Humanité entière. Dans un monde en proie à de profondes mutations, où les défis paraissent insurmontables, où le choc des cultures est flagrant, voir arriver à la tête de la plus grande puissance au monde, quelqu’un qui envisage de construire des murs pour se protéger est un non sens qui doit nous réveiller. Notre société a besoin de rêves, mais aussi d’une vision d’avenir. Elle aspire à être rassurée face à une mondialisation inévitable, qu’on le veuille ou non. Si l’impensable est arrivé de l’autre côté de l’Atlantique, ce sera aussi le cas en Europe, si nous n’y prenons pas garde.
Jean-Jacques Durré
Vos réactions sur edito@wp-dev-cathobel.elipsys.be