
(c) Béatrice Petit
En solidarité avec les victimes des attentats, des citoyens et des artistes, de toutes croyances, ont choisi de chanter la paix à l’église Saint-Jean-Baptiste, dans la commune tristement célèbre.
Au fond de l’église, des femmes, voilées pour la plupart, préparent un buffet pour la joie de la rencontre et de la convivialité. Chacun est invité à fleurir un arbre de messages de paix « parce qu’elle au cœur de toutes les religions« , explique Rahali Hassan, citoyen molenbeekois engagé. « Symbole de la vie, l’arbre porte diverses branches, nationalités, cultures. Nous, les êtres humains, en sommes les feuilles, chevillées au même tronc enraciné dans une terre commune« , enchaîne Najlae Rouas, qui s’active à mettre les petits plats dans les grands pour « collaborer à tout ce qui est porteur de tolérance et de partage« .

GPS Trio à l’occasion d’un concert précédent
Dans le chœur, défilent des chanteurs, musiciens de toutes origines, porteurs des mêmes valeurs: de superbes voix soufies comme le talentueux trio GPS (chrétien) ou la chorale interculturelle des paroisses locales.
« Nous ne pouvions pas laisser passer ce jour dans un silence pesant, commente la cheffe de chœur Ann Gilles-Gooris. Nous voulions être miroir en envoyant un reflet de lumière là d’où sont parties les ténèbres. L’organisation s’est faite en quinze jours, avec la participation enthousiaste de l’asbl Art Voice et de chacun, bousculant son agenda, offrant le meilleur. Comme si cela devait se faire. Il y avait un désir de dire et de faire du bien. Ainsi, Ahmed a chanté Marie, non pas pour se mettre en avant mais pour être au service de quelque chose. Nous, la chorale paroissiale, avons chanté « Il essuiera toutes larmes« , Dieu qui vient réconforter son peuple, dans l’Agneau de Dieu de l’Apocalypse d’André Gouzes, car nous avons besoin d’humilité et de réconfort. Beaucoup de Molenbeekois sont dans un profond désarroi depuis un an: on connaissait ces jeunes radicalisés et on n’a pas vu venir. Mais il y en a tant d’autres aussi, à réhabiliter au regard du monde. Voyez tous ces jeunes, qui sont ici et qui ont chanté bénévolement d’autres valeurs. »
Tous partagent cette volonté de changer l’image de Molenbeek. « Nous sommes à genoux, pointés du doigt dans le monde entier. A Molenbeek, la communauté musulmane est stigmatisée, à cause des amalgames. Tous les jours et depuis longtemps déjà, des initiatives interculturelles voient le jour dans notre commune, mais qui en parle? Aujourd’hui, alors que les musulmans sont venus en nombre vivre un temps de rencontre dans une église un dimanche, où sont les médias, qui ont investi cette place communale pendant des mois?« , s’interroge Rahali Hassan.
« Je ne crois pas à l’interreligieux, je suis venue comme Molenbeekoise, au nom des valeurs de paix, commente Catherine Moureaux, fille du célèbre ancien bourgmestre. Pour moi, la religion n’a rien à voir, se retrouver dans une église n’est que normal, c’est la vocation même d’une église (NDLR: de rassembler). »
« Ce qui s’est passé aujourd’hui, concluait Ann Gilles-Gooris, souriante malgré la fatigue, nous a rejoint par la sincérité, au-delà de l’intellect, montrant que l’interreligieux est possible. »
Béatrice PETIT