
Patrick Dekelver, président de l’association des directeurs de l’enseignement secondaire libre de Bruxelles et du Brabant wallon. © CathoBel
Il est peu courant que les directeurs d’établissements scolaires montent au créneau et affichent publiquement leur mécontentement. C’est pourtant chose faite en cette rentrée scolaire qui voit entrer en vigueur la réforme des titres et fonctions.
Cette nouvelle réglementation vise notamment à uniformiser l’attribution des postes dans l’ensemble des réseaux de la communauté éducative. Le recrutement des enseignants passe désormais par l’application Primoweb, qui soumet à l’employeur une liste de contacts potentiels. Les directeurs d’écoles s’insurgent face à ce nouvel amas de paperasse, qui grève leur métier, devenu avant tout administratif et soumis à un contrôle procédurier. Le président de l’ADIBRA (l’Association des directeurs de l’enseignement secondaire libre de Bruxelles et du Brabant wallon), Patrick Dekelver prend position, sans tergiversation: « Ce qui fait notre spécificité disparaît de manière insidieuse. La Communauté française est en train de prendre le contrôle absolu des écoles du réseau. C’est insupportable. » Nuancé, le porte-parole des directeurs reconnaît toutefois le fondement de la réforme, arguant qu’il y avait des titres qui allaient dans tous les sens. Mais il n’en demeure pas moins que « la mise en application est un véritable désastre. On donne une priorité absolue aux titres, sans tenir compte des compétences des personnes par rapport au projet de l’école ». Et pendant ce temps, ironie de l’actualité, le Pacte pour un Enseignement d’Excellence n’a de cesse de prôner la créativité!
Dénoncer les tabous
Loin du rêve d’une école enfants admis, la fracture sociale pourrait s’en trouver renforcée, avec davantage d’élèves inscrits dans les écoles privées (payantes) ou néerlandophones. Pire encore, « les titres de l’enseignement néerlandophone n’ont pas été repris dans la liste des titres requis », et c’est le développement de l’enseignement en immersion qui se verrait compromis, alors même qu’il connaît un joli succès d’affluence. L’enseignement est, une fois encore, le lieu de joutes politiques. Côté enseignants, le morcèlement des emplois du temps « saucissonnés » entre plusieurs établissements ne facilite pas l’implication dans le projet d’un établissement scolaire, puisqu’ils passent plus de temps à sillonner les routes qu’à s’immerger dans la vie et l’atmosphère dudit projet. Pour assurer les remplacements des enseignants manquants ou absents, des assouplissements sont dès lors indispensables, martèlent les directeurs d’écoles, faute de quoi la qualité de l’enseignement fera défaut. Le débat rappelle la polémique à propos de la mixité sociale: « ça ne se décrète pas, ça se construit sur le terrain ». Halte à cette guerre idéologique, loin de la formation des jeunes adultes de demain!
AT