
EPC, un nouveau cours pour apprendre aux enfants à débattre.
La nouveauté pour cette rentrée scolaire 2016, c’est l’arrivée dans les classes du primaire d’un cours d’éducation à la philosophie et à la citoyenneté (EPC). Intégré à d’autres cours dans l’enseignement catholique, il fera l’objet d’une à deux heures de cours par semaine dans les autres réseaux.
Le cours d’EPC ne débutera réellement que le 1er octobre dans l’enseignement officiel et le libre non-confessionnel, le temps d’enregistrer le choix des parents pour un cours philosophique (avant le 15 septembre) et pour les équipes éducatives et les enseignants d’organiser les cours en fonction de ces choix. Si les parents ont opté pour un des cours philosophiques reconnus, leur enfant suivra une heure de religion (catholique, islamique, protestante, israélite ou orthodoxe) ou de morale et une heure de cours d’éducation à la citoyenneté. Si les parents ne désirent pas inscrire leur enfant dans l’un de ces cours*, celui-ci se verra proposer deux heures d’EPC par semaine. Pour le secondaire, la mise en place de l’éducation à la philosophie et la citoyenneté est prévue pour la rentrée 2017.
Quel contenu?
Un socle de compétences a été rédigé pour ce cours, comprenant quatre axes principaux: construire une pensée autonome et critique; se connaître soi-même et s’ouvrir à l’autre; construire la citoyenneté dans l’égalité en droit et en dignité; s’engager dans la vie sociale et l’espace démocratique. « Ça paraît évidemment très complexe », reconnaît Emmanuel Rifaut, chargé de mission à la Direction générale de l’enseignement obligatoire pour la cellule citoyenneté. « Mais il faut savoir que les réseaux ont rédigé des programmes qui permettront aux enseignants de décliner toutes ces compétences en cours et en activités. Les projets d’école, les projets de classe feront partie de ce nouveau programme. » « On a voulu laisser aux enseignants une certaine liberté dans ce projet novateur. Il y aura une aide des conseillers pédagogiques et de la future inspection (ndlr: qui doit encore être créée) pour orienter les enseignants dans leurs démarches. » Le débat fera notamment partie des compétences indispensables à maîtriser. Différentes thématiques liées à l’actualité seront également autant de sources pour travailler avec les élèves dans le sens des compétences définies.
Pas de pertes d’emploi
Contrairement aux inquiétudes exprimées par les professeurs lors de l’annonce de la mise en place de ce cours, il ne devrait pas y avoir de pertes d’emploi. Le gouvernement a souhaité garder l’emploi des nommés à titre définitif et des temporaires prioritaires. Il organise un volume de périodes plus important que l’an passé pour permettre d’organiser à la fois les cours de religion et de morale et le nouveau cours. Les professeurs de religion ou morale qui refusent de donner l’éducation à la citoyenneté seront soumis au mécanisme de réaffectation dans leurs fonctions ». Ce nouveau cours sera donné par des maîtres de philosophie et citoyenneté engagés sur base volontaire. Les professeurs de religion et morale sont prioritaires (qu’ils soient nommés ou non). Toutefois, un professeur ne pourra pas à la fois donner un cours de religion ou morale et le cours d’EPC dans le même établissement afin « d’assurer cette neutralité ». Les enseignants ont pu bénéficier de formations spécifiques proposées notamment cet été pour débuter leurs cours en octobre. « Ces enseignants ne partent pas de rien, ils ont déjà une maîtrise de leur travail et de leur mission. Nous leur proposerons encore des formations qui doivent leur permettre d’améliorer et de faire évoluer leur pratique professionnelle », précise Emmanuel Rifaut.
Découverte et ouverture
Au sein de la compétence « se connaître soi-même et s’ouvrir aux autres » sont prévues des sous-compétences qui permettent l’ouverture à la pluralité des cultures et des convictions. La liberté pédagogique donne le choix aux enseignants de trouver la voie la meilleure permettant d’aborder cette diversité, d’interroger la signification des pratiques et d’analyser les analogies et les différences, que ce soit via la découverte de lieux de culte, via des témoignages ou encore via la collaboration avec différentes ONG.
Dans les écoles catholiques
Pour l’enseignement libre, l’éducation à la philosophie et à la citoyenneté ne fera pas l’objet d’un cours distinct mais sera intégrée dans le programme d’autres cours: éveil, mathématiques, français et religion. « On ne découvre pas la citoyenneté, c’est une matière présente dans tous les textes de référence pour l’école en Fédération Wallonie-Bruxelles, depuis plus de 20 ans. Le décret mission de 1997 est extrêmement clair sur ce sujet », explique Etienne Michel, directeur général du SeGEC. Il y a trois ans, le référentiel commun des cours de religion, rédigé par les chefs de culte, comprenait déjà ces compétences: le questionnement philosophique, le dialogue interconvictionnel et l’éducation à la citoyenneté. « Nous estimons que la citoyenneté n’est pas une discipline qui s’enseigne pour elle-même et qu’on peut mieux l’enseigner en l’adossant à des savoirs qui existent par ailleurs », précise Etienne Michel. Ainsi, l’introduction aux régimes démocratiques pourra être développée dans le cours d’histoire. L’ouverture des jeunes aux autres cultures, mouvements de pensée et aux autres convictions trouvera sa place dans le cadre du cours de religion. « Le monde laïque, surtout lorsqu’il est militant, pense que la citoyenneté et la religion sont difficilement conciliables, alors que dans la tradition chrétienne, il y a une sorte d’évidence que les références religieuses peuvent constituer des ressources pour penser la citoyenneté. Un des défis de la société actuelle est d’apprendre à réarticuler les références religieuses avec nos cultures occidentales et européennes » conclut le directeur du SeGEC.
Manu VAN LIER
Retrouvez les interviews d’Emmanuel Rifaut et Etienne Michel dans « Il était une foi », dimanche 4 septembre à 20h sur La Première.
* La décision du 12 mars 2015 de la Cour constitutionnelle confirme le droit pour un parent d’obtenir pour son enfant, sur simple demande, une dispense de cours philosophique (religion ou morale laïque). Infos: www.enseignement.be.