Grève dans les prisons : « De grâce, faites quelque chose ! »


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Grève dans les prisons : « De grâce, faites quelque chose ! »
Par Angélique Tasiaux
Journaliste de CathoBel
Publié le
4 min

prisonDes aumôniers dans les prisons ont, une nouvelle fois, pris leur plume pour appeler au sens des responsabilités des parties concernées par l'épineux dossier des prisons. Car, derrière les barreaux, se trouvent des hommes et des femmes en profonde souffrance... Il est à craindre qu'il faille bien du temps pour panser les blessures, le calme revenu.

Une opinion de Baudouin Charpentier (Vicaire épiscopal), Nadine Carpay (Aumônerie à Huy), Jean-Louis Defer, Gladys Felten, Frédéric Gratz, Xavier Lambrecht, Télesphoré Munyantwali et Edoardo Scheppers (Aumônerie à Lantin), Liliane Lambert (Aumônerie à Marneffe), Hervé Dherbecourt et Jean-Pierre Huyts (Aumônerie à Paifve).

"Cela fait trente jours ce mercredi que dure la grève des agents pénitentiaires dans les prisons de Bruxelles et de Wallonie! Durant ce mois, nous avons veillé à être encore plus présents à l’intérieur des prisons de Lantin, de Huy et de Marneffe ainsi que dans l’établissement de défense sociale de Paifve. Et régulièrement, nous entendons ce cri de désespoir: "Faites quelque chose!"

Force est de constater de nombreuses violations de la loi de principes concernant l’administration pénitentiaire et le statut juridique des détenus. Le préau quotidien n’est plus organisé. Dans certaines sections des prisons, le téléphone est accessible une ou deux fois par semaine, cinq minutes seulement et en matinée. L’hygiène corporelle et la propreté de la cellule sont mises à mal: les détenus de la maison d’arrêt de Lantin ont eu deux douches depuis le début de la grève et nettoyer sans brosse ni seau relève de l’exploit! Les visites des familles et des amis ne sont plus possibles et des papas ne peuvent plus voir leurs enfants afin d’assurer, tant bien que mal, leur rôle parental. L’accès aux soins et aux suivis psychiatriques est devenu aléatoire, voire suspendu. Les contacts avec les avocats sont difficiles et ralentis; le droit à la défense en est menacé. Les aumôniers et les conseillers n’ont plus la possibilité d’organiser les cultes et les activités qui sont pourtant un droit constitutionnel. Et sans parler de la dignité humaine bafouée. L’estime de soi est rabaissée au rang d’animaux. Rester seul ou en duo dans un espace de neuf mètres carrés, 24 heures sur 24, ne peut que menacer le besoin vital de relations humaines, au point d’engendrer de dramatiques et dangereux replis sur soi.

Dignité admirable

A titre d’exemples, voici quelques situations précises: Jules (prénom d’emprunt) a été opéré à cœur ouvert juste avant le début de la grève; revenu en prison, il ne bénéficie que des soins minimum; heureusement qu’il a une forte constitution! A partir de 15 heures et jusqu’au lendemain matin, Mariette, comme deux autres mamans, est enfermée avec son fils de 2 ans. Bien entendu, l’enfant ne comprend pas la situation et frappe souvent sur la porte de leur cellule. Essayons de vivre vingt-quatre heures enfermés dans une pièce avec notre conjoint. Multiplions les tensions par vingt-huit et nous pouvons imaginer la difficulté de vivre dans une cellule avec un duo que nous n’avons pas nécessairement choisi. Kevin a vu son retour dans sa prison d’attache interrompu par la grève. Venu à la polyclinique de Lantin pour se faire soigner, il se retrouve démuni de tout alors que tous ses effets personnels l’attendent dans sa prison. Mohamed devait passer au tribunal jeudi dernier. Il est sans nouvelles et l’inquiétude le ronge. Jean ne peut plus poursuivre sa thérapie initiée à l’extérieur de l’établissement depuis plus de deux ans.

Malgré cette situation pénible et indigne, nous restons admiratifs devant la dignité des personnes détenues. Certes, parfois, leur seul moyen d’exprimer leur révolte consiste à jeter des objets par les fenêtres ou à brûler leurs draps de lit. Cependant, dans leur ensemble, ils cherchent à surmonter l’épreuve le plus calmement possible, tout en se soutenant mutuellement.

Nous comprenons et soutenons, mais…

Les directions qui, dans certains cas, assurent une permanence jour et nuit, et le personnel actif à l’intérieur de la prison restent soucieux des besoins primordiaux des détenus. Le personnel médical continue à travailler malgré toutes les difficultés. Qu’ils en soient tous vivement remerciés, d’autant que certains sont physiquement et nerveusement à bout!"

Retrouvez l'entièreté de cette opinion dans La Libre Belgique du 25 mai 2016.

Catégorie : En dialogue

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