Un défi budgétaire et humain


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Un défi budgétaire et humain
Par La rédaction
Publié le - Modifié le
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Budget

L’augmentation des absences de longue durée s’explique également par l’allongement de l’âge de la retraite

En hausse constante depuis plus de dix ans, les absences pour maladie de longue durée grèvent considérablement le budget fédéral. Si les mesures d’urgence proposées par la ministre De Block n’inversent pas la tendance, les coûts pour invalidité pourraient dépasser ceux du chômage en 2016.

L’année passée, pas moins de cinq milliards d’euros ont été versés en allocations dans le cadre des maladies de longue durée, ce qui représente, d’après le quotidien l’Echo, le double des montants versés en 2007. Fin 2014, 370.400 personnes étaient en invalidité (plus d’un an d’absence), soit une augmentation de 64% sur dix ans. Selon l’INAMI (Institut National d’Assurance Maladie-Invalidité), cette progression s’explique par un nombre croissant de pathologies d’ordre psychique et par l’allongement de la durée de carrière. De plus en plus de Belges sont atteints du syndrome de fatigue chronique, une maladie psychosomatique en pleine expansion. Les maladies qui provoquent des douleurs musculaires sont également en forte hausse, c’est le cas notamment de la fibromyalgie, note encore l’INAMI.

Trop de pression

Productivité, objectifs, rentabilité… ces termes sont devenus incontournables dans le vocabulaire professionnel et traduisent une attente de résultats toujours plus importante pour les travailleurs. Mais à quel prix? La pression sociale et économique contribue largement, d’après le monde médical, au développement de ces maladies. Les entreprises et la société commencent, de toute évidence, à payer des exigences trop ambitieuses et à réaliser que le corps et l’esprit d’un travailleur ont également des limites. L’augmentation des absences de longue durée s’explique également par l’allongement de l’âge de la retraite. Marie-Hélène Ska, secrétaire nationale du syndicat chrétien, dresse ce constat: "Un certain nombre de personnes qui étaient auparavant en système de pré-retraite ne peuvent plus l’être aujourd’hui et sont donc dans une situation très difficile pour pouvoir rester à leur poste de travail." Mais la hausse des congés maladie ne touche pas seulement les travailleurs les plus âgés. De nombreux jeunes souffrent également de burn-out, dépressions ou maux de dos.

Réintégrer les malades de longue durée

La ministre de la Santé Maggie De Block (Open Vld) estime que l’explosion des dépenses pour les travailleurs malades est "problématique". "Cette évolution signifie une facture supplémentaire d’1,8 milliard d’euros entre 2014 et 2019", soulignait la ministre, en décembre 2015. "Le coût humain est aussi élevé: il est scientifiquement prouvé que rester à la maison n’est pas bon pour les patients." Pour réduire ce coût, la ministre de la santé planche depuis plusieurs mois sur une procédure visant à remettre les malades de longue durée au travail. Maggie De Block s’est inspirée du système norvégien basé sur des questionnaires adressés à chaque malade. Ce dernier sera examiné pour voir s’il est ou non capable de réaliser un travail adapté. La réinsertion ne devrait plus porter uniquement sur la capacité de reprendre son poste antérieur, mais aussi sur la volonté de réintégrer son entreprise moyennant une adaptation de la fonction. Un premier questionnaire, envoyé après un mois de maladie doit déterminer les facteurs qui entravent la réintégration et ceux qui la favorisent. Après six mois, la personne concernée recevra un second questionnaire et sera invitée pour un entretien personnel avec un collaborateur de sa mutualité pour voir si une reprise d’activité est possible et la manière dont celle-ci doit se mettre en place. Le projet initial de la ministre prévoyait des sanctions en cas de refus du malade de se plier à ces conditions. Suivant l’avis des patrons et des syndicats, Maggie De Block a revu sa copie et abandonné, pour le moment, le recours aux sanctions. Toutefois, d’après la RTBF, la ministre pourrait sévir "si les objectifs budgétaires ne sont pas atteints". Ces sanctions pourraient alors concerner les travailleurs mais aussi les employeurs à qui le gouvernement pourrait imposer de rémunérer un travailleur malade pour une période excédant un mois, ce qui est la norme actuelle. Maggie De Block peaufine une proposition qui sera soumise aux partenaires sociaux cet été. A travers cette procédure, le gouvernement vise une baisse de près de 500 millions d’euros des coûts d’ici 2019.

Un projet critiqué

Les mutualités et les syndicats ont accueilli froidement le projet de la ministre fédérale de la Santé, note l’agence Belga. "C’est une aberration", selon Véronique Dumonceau, médecin-conseil National de Solidaris, réagissant par voie de communiqué. "A ce moment-là, c’est-à-dire au moment où ces personnes sont généralement brisées, remplir un questionnaire est tout à fait inopportun. Elles sont épuisées et ont besoin de repos et pas de questionnaire", estime Mme Dumonceau selon qui "augmenter les contrôles assortis de sanctions est contre-productif". Pour la mutualité socialiste, il faut laisser les malades de longue durée souffler et les conseiller en vue d’une reprise progressive et harmonieuse au travail. Selon la CSC, "les travailleurs malades sont déjà soumis à des contrôles très rigoureux. Ceux qui veulent réduire les allocations de maladie pour limiter le nombre de malades de longue durée cherchent à tromper la population", indique le syndicat chrétien dans un communiqué. La CSC rappelle également que les partenaires sociaux avaient conclu en décembre 2015 un accord selon lequel les malades de longue durée peuvent reprendre le travail sur une base volontaire. Le syndicat libéral CGSLB a, quant à lui, fait part de "l’urgence de donner la priorité à la mise en application du travail supportable dans les entreprises".

M. V. L.

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