Le nouveau Prix Aurora récompense des hommes qui ont risqué leur vie pour sauver celle des autres, en souvenir des ‘justes’ qui ont aidé les Arméniens. Une partie du montant de ce prix ira à la Fondation belge Jean-François Peterbroeck qui est engagée auprès de l’enfance maltraitée, défavorisée ou handicapée.
Cent et un an après le début du génocide arménien qui remonte au 24 avril 1915, ce peuple chrétien du Moyen Orient a décidé de transformer les commémorations d’un passé tragique en la célébration d’une humanité porteuse d’espoir et de vie. En ce 24 avril 2016, Erevan, la capitale de l’Arménie moderne, née sur les décombres de l’Union soviétique a donc multiplié les événements porteurs de sens. Aux côtés d’un colloque consacré au phénomène du génocide à travers les siècles, la ville grouillait d’invités venus inaugurer le nouveau prix Aurora, lancé par la Fondation Initiatives for Development of Armenia qui récompensera chaque année une personnalité qui a mis sa vie en danger pour sauver celle des autres. La première lauréate du «Aurora Prize for Awakening Humanity» n’est autre que la Burundaise Marguerite Barankitse.
Quand la souffrance engendre l’éducation
«Souvent la souffrance engendre la souffrance», déclarait hier Maggy Barankitse, «mais l’Arménie m’a montré que cela n’est pas une fatalité. J’ai vu ici un pays avec des valeurs, une nation qui est fière de sa langue et de son histoire, qui met l’accent sur l’éducation. Et cela m’inspire pour ma patrie». Entre l’Arménie et le Burundi, la résonance est évidente. Ces deux petits pays ont à faire face au spectre du génocide, -le premier ayant eu lieu il y a cent ans, et le second se tenant depuis des décennies sur le fil étroit qui pourrait le faire basculer dans l’absolu terrifiant de la violence génocidaire. Entre les fondateurs du prix, Vartan Gregorian ou Ruben Vardanyan qui sont des descendants de familles arméniennes décimées et les petits orphelins burundais de la maison Shalom de Maggy, il y a aussi une expérience personnelle et traumatique partagée. Mais leurs aînés arméniens montrent à présent qu’il est non seulement possible de survivre, mais également de croire à nouveau dans l’humanité. «Je ne veux pas seulement donner un abri pour mes enfants», rappelait ainsi Maggy, devant une assemblée de personnalités dont George Clooney, co-fondateur du prix et de nombreux prix Nobel constituant le jury, «mais je veux qu’ils fassent des études à Harvard ou en Arménie et qu’un jour ils reviennent dans leur pays, non avec des armes en bandoulière, mais pour le reconstruire».
La Fondation Jean-François Peterbroeck à l’honneur
Rappelons que Marguerite Barankitse a fondé la maison Shalom et l’hôpital REMA, sauvant des dizaines de milliers de vies, prenant en charge des orphelins et des réfugiés pendant les années de guerre civile au Burundi. Lorsque cette dernière a éclaté, elle a caché quelque 72 voisins hutus qui ont ensuite été exécutés sous ses yeux. C’est l’événement déclencheur de son travail en faveur des victimes. Mais depuis le 24 avril 2015, très exactement, Maggy a elle-même pris la route de l’exil, en raison des nouvelles violences déclenchées par le refus du président burundais d’accepter le jeu démocratique. «Ce prix donne tort au président. Il montre que sont récompensés ceux qu’ils persécutent. J’espère qu’il reviendra à la raison», confiait-elle dans un grand moment d’émotion à Erevan.
Le prix reçu par Marguerite Barankitse est généreusement doté d’un montant de 100.000$ qu’elle reçoit à titre personnel et d’un million de $ qu’elle peut distribuer à trois fondations ou associations de son choix. Parmi les trois associations, il y a la Fondation du Grand Duc et de la Grande Duchesse du Luxembourg, engagée auprès de l’enfance notamment au Burundi, la Fondation catholique luxembourgeoise Bridderlech Deelen et la Fondation belge, Jean-Fançois Peterbroeck qui est engagée auprès de l’enfance maltraitée, défavorisée ou handicapée. «Marguerite est un être exceptionnel. Elle n’a jamais hésité à risquer sa vie pour les autres», soulignait Véronique Peterbroeck présente lors de la cérémonie, «nous l’avons toujours soutenue notamment pour la construction de son hôpital». Le montant du prix reçu par la Fondation Peterbroeck ira au soutien des activités de Marguerite, mais également au projet Inuka en RD Congo.
Laurence D’Hondt