En Colombie, des enfants issus de l’ethnie Nasa, engagés dans la guérilla des FARC, ont pu se réinsérer dans leur communauté en suivant un programme respectant la vision de l’univers de ces « Amérindiens » de la région du Cauca. Une expérience interpellante dans un pays déchiré par plus d’un demi-siècle de conflit.
« J’ai rejoint la guérilla parce que j’en avais marre de la maison« , raconte un adolescent à l’AFP, parti à 15 ans avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC, de tendance marxiste), la principale faction rebelle du pays.
Entré en contact avec les rebelles très facilement, il est enrôlé immédiatement, et reçoit une formation « militaire » en quelques jours à peine. Décrivant le quotidien du camp des FARC, caché dans la cordillère des Andes, il raconte une journée-type: lever à l’aube, nettoyage des armes, cuisine, monter la garde y compris de nuit. Après quelques mois, il a réussi à se sauver.
Aujourd’hui, Alejandro (prénom d’emprunt) a 18 ans et a repris le lycée. Mais entre-temps, il s’est réinséré dans sa communauté selon la méthode inédite des Nasa, l’une des plus importantes ethnies du pays, comptant environ 130.000 membres.
Se reconnecter
Ce programme, intitulé « Retour à la maison », est né deux ans après la prise par les FARC du village de Turibio en 2005. La réinsertion dure de 18 mois à deux ans. Elle englobe les aspects juridiques, sociaux et psychologiques, mais se base surtout sur la vision du monde des Nasa, leur manière d’envisager la vie, l’univers. Deux membres de la communauté, l’un chargé des démarches administratives, l’autre guérisseur ou « kiwe thê » en langue nasa, travaillent avec un psychologue et une assistante sociale, rémunérés par l’Institut colombien du bien-être familial (ICBF).
« Il n’a pas été facile de faire comprendre aux autorités (…) que le médecin traditionnel était la personne la plus adéquate pour reconnecter les adolescents avec leur environnement« , précise le psychologue Carlos Andrés Quintero.
Le « kiwe thê » Aureliano Lectamo explique que « l’être Nasa est relié à deux espaces: le spirituel et la terre mère« . « Lorsqu’une personne part avec un groupe armé, cela génère un choc spirituel« , « il faut la soigner par des rituels (…) Les jeunes doivent retourner dans un espace où ils peuvent se reconnecter à la terre mère, au soleil, à l’eau. »
A propos de ce rituel individuel, Alejandro dira seulement qu’il est allé près d’une lagune avec le kiwe thê et a mâché de la coca, plante sacrée des Indiens des Andes. « Parfois, il faut nettoyer la maison des énergies négatives », ajoute M. Lectamo. Il y a aussi cinq rituels collectifs: celui du feu à l’équinoxe de mars, ceux du soleil et du vent, celui du « saakhelo » ou arbre sacré en août, et celui des morts en novembre. Avec tambours, flûtes et danses du condor et du colibri.
Selon des chiffres officiels, 4.737 mineurs ont été recrutés entre 1984 et 2015 par les groupes armés impliqués dans le conflit colombien, qui a vu s’affronter guérillas d’extrême gauche, paramilitaires d’extrême droite et forces armées depuis les années 1960.
Source: AFP
Photo: Indiens nasa, copyright larepubliquedespyrenees.fr