Dans la ville de Madaya en Syrie, plus de 40.000 habitants sont en train de mourir de faim. Les partisans de Damas encerclent cette ville à majorité sunnite, proche du Liban, depuis plus de trois mois, malgré qu'une trêve ait été conclue.
La localité de Madaya est bel et bien toujours assiégée par les forces du Hezbollah libanais, chiite, qui combattent aux côtés de l’armée de Damas. Plus de 40.000 personnes, des civils essentiellement, y sont piégées. Ce sont des sunnites, déplacés de la localité de Zabadani, situé au nord de Madaya, bastion des rebelles syriens, également assiégé par les forces pro gouvernementales de Bachar al-Assad.
Crise humanitaire
L'Office syrien des Droits de l'Homme (OSDH) affirme que les forces pro-gouvernementales ont continué à poser des mines supplémentaires et des barbelés autour de Madaya après l'accord conclu en septembre. En trois mois, Madaya n'a reçu qu'une seule fois de l'aide. La situation y est devenue terrible, selon des habitants, des activistes et des agences humanitaires qui s'alarment. Selon l'OSDH, quelque 1.200 habitants souffrent de maladies chroniques et plus de 300 enfants de malnutrition ou d'autres problèmes de santé. "Il n'y a plus rien à manger. Je n'ai pris que de l'eau depuis deux jours", témoigne Momina, une femme de 32 ans jointe par l'AFP. Toujours selon l'OSDH, au moins dix personnes sont mortes à cause du manque de médicaments et de nourriture. Treize autres ont été tuées par l’explosion des mines posées par les forces du régime ou par des francs-tireurs, en tentant de quitter la localité pour trouver de la nourriture.
"De nombreux habitants se nourrissent d’herbe pour survivre ou doivent verser des sommes importantes aux points de contrôle gouvernementaux pour obtenir de la nourriture", relève Rami Abdel Rahmane, directeur de l’OSDH. Pawel Krzysiek, du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui est entré à Madaya lors de la dernière livraison d’aide en octobre, indique que la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge syrien espèrent obtenir "le plus tôt possible" un nouvel accès à ce village et que l’aide pourra ensuite y être distribuée "régulièrement".
Le drame est que le cessez-le-feu signé en septembre 2015, n'est respecté ni par les rebelles ni par le régime de Damas. Or, cette trêve devait permettre l'entrée de l'aide et l'évacuation des civils et des blessés de Madaya. L'accord concernait aussi trois villages assiégés par les rebelles: Foua et Kafraya, deux localités du nord-ouest de la Syrie, et Zabadini, situées à cinq kilomètres du village martyr. En vertu de cet accord, près de 450 combattants et civils avaient été évacués de ces trois localités en décembre. Aucune des forces en présence n'ont pourtant levé leurs sièges respectifs. Mais si les forces gouvernementales disposent de moyens aériens pour délivrer de l'aide à Foua et Kafraya, les rebelles ne peuvent pas faire la même chose à Madaya. Conséquence: les rares aliments sont hors de prix. Le sac de lait coûte 100 euros et le kilo de riz 150 euros!
Plus de 260.000 morts depuis le début de la guerre
"Les gens sont depuis trop longtemps sans aliments de base, sans médicaments de base, sans électricité ni eau. J'ai réellement vu la faim dans les yeux des gens. Ils nous suppliaient pour avoir du lait pour bébé, lorsque le convoi d'aide est arrivé en octobre dernier", poursuit Pawel Krzysiek du CICR.
Mais, la crise actuelle entre Riyad et Téhéran menace la poursuite du fragile processus mis en œuvre par la communauté internationale pour tenter de trouver une solution politique à la guerre en Syrie. Dans ce pays, l’Iran soutient le régime de Bachar Al Assad et a envoyé des milliers de "conseillers militaires" sur le terrain, tandis que Riyad demande la chute du président syrien et appuie financièrement et militairement des groupes rebelles, notamment salafistes.
L'an dernier, plus de 55.000 personnes ont été tuées en Syrie, dont plus de 2.500 enfants, a annoncé l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). La majorité des morts sont des combattants, dont 7.798 rebelles et plus de 16.000 djihadistes de Daech, du Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, ou de milices associées, engagés contre le président Bachar Al Assad. L’ONG basée en Grande-Bretagne indique que ce bilan porte à plus de 260.000 le nombre total de morts depuis le début du conflit en mars 2011.
A noter que ce jeudi 7 janvier en fin d'après-midi, le régime syrien a autorisé l’Organisation des Nations unies (ONU) à acheminer des vivres et des médicaments dans la ville rebelle de Madaya, pour éviter une catastrophe humanitaire.
Mais, face à cette détresse, il est plus que temps que les instances internationales mettent tout en œuvre pour que ce conflit meurtrier se termine.
J.J.D.