Charles De Clercq présente dans "Cinécure" le film "Les hommes d'argile" qui sort en salle ce mercredi 18 novembre 2015. Ce film est une fable sur la condition humaine, belle, émouvante. C’est aussi une œuvre de mémoire.
Mourad Boucif, le réalisateur du film "Les hommes d’argile", aborde sur le mode de la fiction un thème qu’il avait traité en 2006 dans son documentaire La couleur du sacrifice. Ici, c’est une œuvre de fiction qui puise dans la mémoire, dans le terreau, dans la glaise, l’argile, d’événements réels qui sont tus et/ou oubliés. Cela se passe dans le cadre de la Seconde Guerre mondiale. Beaucoup de (jeunes) hommes sont enrôlés de force dans les colonies pour aider les troupes françaises contre l’envahisseur allemand. Il s’agit d’un très beau film, tant d’un point de vue cinématographique qu’humain.
Le travail de mémoire auquel nous convie le réalisateur - tout en éclairant l’horreur par la poésie - est absolument remarquable. On remarquera tout spécialement la beauté lumineuse du visage de Sulayman (interprété par le jeune acteur marocain Miloud Nasiri) qui reflète tant d’émotions, joyeuses, poétiques, tristes, tragiques, mortelles! Mais c’est aussi sa voix off, de toute beauté, dans un très bel arabe. Le traitement de l’image est surprenant et le rendu splendide: les couleurs sont quasiment désaturées, pastels, presque sépia et parfois même proches du noir et blanc.
Trois protagonistes se rencontrent et s’affrontent. Le jeune berger Sulayman qui passera de la joie à la déconcertante réalité d’une guerre qui ne le concerne pas, dans laquelle il a été enrôlé de force avec beaucoup d’autres. C’est d’autant plus tragique que la présence de ces tirailleurs a été un des éléments qui a joué dans la victoire. Il y a ensuite le lieutenant Laurent qui passera par tout un itinéraire d’une profonde humanité vers une certaine rédemption. Depuis la simple application des ordres (même absurdes et immoraux) jusqu’à prendre conscience de la valeur de l’humanité de ses hommes qui sont là à leur corps défendant et qui découvre peu à peu l’absurdité de la guerre et des ordres qu’il doit (faire) exécuter. Enfin, le commandant Blanchard qui excelle dans le rôle d’un militaire de carrière pour qui la victoire et la gloire dépassent toutes les considérations de respect de l’humanité. C’est le personnage que l’on se plairait à détester dans un film où il faut prendre parti. Mais le peut-on ici car sans cet acharnement, le sort de «l’Histoire» aurait pu être bouleversé?
- Découvrez également le podcast de l’interview de Mourad Boucif, le réalisateur du très beau film Les hommes d’argile et d’un jeune acteur du film, Jawad Elbe, diffusée sur RCF Bruxelles ce samedi 14 novembre: https://www.cinecure.be/Interview-de-Mourad-Boucif-et
- Pour découvrir les critiques des autres films qui sortent cette semaine: www.cinecure.be/804
Charles De Clercq (RCF Bruxelles et Liège)